La présente invention se rapporte à de nouvelles compositions utiles en dermatologie et/ou en cosmétologie présentant une activité antifongique améliorée.

Les champignons et les levures parasites sont impliqués dans de nombreuses affections dermatologiques courantes, comme le psoriasis ou la dermite séborrhéique. Des troubles de la kératinisation, entraînant notamment des phénomènes de desquamation ou d'irritation locales, sont également associés à une prolifération anormale de tels germes.

En particulier, la levure Pityrosporum ovale (aussi appelée Malassezia furfur) est présente dans les pathologies des états pelliculaires et squameux.

Différents principes actifs antifongiques connus ont été proposés, parmi lesquels on peut citer la piroctonolamine, le sulfure de sélénium, le pyrithionne de zinc, l'acide salicylique, les undécylénates. Toutefois, aucune ne possède une activité optimale sur toutes les souches de P. ovale, en particulier les souches résistant aux imidazolés.

Les goudrons de diverses origines ont été utilisés en pratique dermatologique, sous différentes présentations. En raison de leur caractéristique olfactive marquée, ils sont, dans la majorité des cas, formulés dans des produits destinés à être rincés et leur temps de contact avec la peau et le cuir chevelu est limité ; en outre leur application n'est pas agréable pour l'utilisateur, ce qui constitue un inconvénient important pour des compositions d'hygiène et de cosmétologie.

Il existe donc un besoin pour un produit antifongique à large spectre, convenant pour des utilisations dans le domaine de la dermatologie et/ou de la cosmétologie.

C'est pourquoi la présente invention a pour objet une composition dermocosmétique, antifongique, caractérisée en ce qu'elle contient, outre un véhicule dermatologiquement acceptable, une association synergique de crotamiton et d'au moins un goudron.

En effet, la Demanderesse a trouvé que, de manière inattendue, l'activité antifongique du goudron est potentialisée dans des mélanges avec le crotamiton, ce qui permet de diminuer fortement les concentrations efficaces ; les compositions contenant de telles associations synergiques sont actives sur des souches généralement résistantes, en particulier aux imidazolés, comme l'éconazole, ces souches pathogènes étant relativement fréquentes.

La synergie peut être mise en évidence par le calcul des index FIC (Fractional Inhibitory Concentration) ou FBC (Fractional Bactericidal Concentration) des produits. Pour cela, on mesure la valeur de la CMF (ou concentration minimale fongistatique), ou de la CMφ (ou concentration minimale fongicide), des principes actifs à tester vis-à-vis d'un type de germe.

Le FIC d'un produit A est défini comme :

FICA - CMF du produit A en association CMF du produit A seul

L'association de deux antifongiques A et B est synergique si la somme FIC des rapports (FIC _A + FlCβ) est inférieure ou égale à 0,75. Plus la valeur FIC est faible, plus la synergie est importante. On considère qu'il y a simple additivité pour des valeurs de FIC comprises entre 0,75 et 1,1 , et indifférence dans l'intervalle compris entre 1,1 et 2 ; au-delà, l'association est notée antagoniste.

La représentation graphique des interactions a lieu à l'aide des isobologrammes.

Un isobologramme est représenté dans un repère orthonormé avec en abscisse et en ordonnées les CMF (ou CMφ) des antifongiques en association.

L'isobole est la ligne qui joint les points représentant les associations inhibitrices ou fongicides y compris les points correspondant aux CMF ou CMφ des antifongiques seuls.

Les points représentant les différentes associations synergiques seront sur l'isobole droite, au-dessous de cette droite pour les associations synergiques et au-dessus pour les associations indifférentes ou antagonistes.

Le crotamiton, ou N-éthyl N-O-tolylcrotonamide a pour formule :

et a été décrit comme scabicide et antiprurigineux. Les compositions selon la présente invention contiennent de préférence des associations binaires ou ternaires de crotamiton avec un ou plusieurs goudrons.

Par goudron, on entend un ensemble de composés dont la teneur en phénols, hydrocarbures cycliques, dérivés sulfurés et pyridiques peut varier en fonction de leur origine et de leur degré de purification.

Les goudrons particulièrement appropriés pour les compositions selon l'invention comprennent : des dérivés de la houille, ce sont les coaltars à l'état "crude" ou modifiés, - des dérivés végétaux issus de la pyrrolyse des bois comme par exemple les goudrons de pin, de cade ou de bouleau, des dérivés de schistes bitumineux comme l'ichthyol ammonium.

Par goudron brut, on entend le produit issu directement du cracking de la houille, par exemple, et renfermant toutes les fractions distillant entre 60 et 370° jusqu'au brai.

On y trouve donc des huiles légères jusqu'aux hydrocarbures lourds représentés par des huiles anthracéniques, puis les brais constitués par des éléments insolubles en suspension.

Généralement, ce sont les "Queues" de distillation et les brais qui renferment les sutructures polycycloaromatiques responsables du potentiel cancérigène des goudrons.

Le goudron "crude" ou brut pourra subir différentes modifications visant à le purifier ou l'alléger pour le rendre plus facile d'emploi à la formulation ou moins désagréable à l'utilisation.

Par goudron lavé, on entend goudrons débarrassé de tous ses insolubles. Cette extraction pouvant se faire par solvants de type méthylal, hexane, toluène, etc. La purification du goudron peut être obtenue selon deux voies :

. par distillation du goudron lavé, les températures définissant alors le distillât obtenu. Ainsi, on peut passer de 9000 PPM de BENZO (a) PYRENE à 170 PPM.

. par extraction faisant appel à un solvant sélectif. C'est le cas du "coaltar solution" de l'USP obtenu par extraction à l'aide d'une solution de polysorbate 80 dans l'alcool.

Ces derniers constituent des formes plus acceptables et d'une mise en oeuvre plus aisée en raison de leur dispersibilité améliorée dans les bases dermatologiques. De préférence, la concentration en goudron dans les compositions selon l'invention est située dans l'intervalle compris entre 0,5 et 5 g/ 100ml.

La concentration en crotamiton dans les compositions selon l'invention est de préférence située dans l'intervalle compris entre 0,25 et 5 g/ 100ml.

Des compositions présentant une synergie optimale sont obtenues quand le rapport des concentrations des composés de type goudron au crotamiton est compris entre 2 et 20, et de manière avantageuse entre 1 et

Les concentrations respectives des composants, ainsi que le choix du ou des goudrons pourront être adaptés par l'homme du métier en fonction de l'application visée : dans des compositions pharmaceutiques, pouvant être destinées à lutter contre des infections à germes multirésistants, les doses pourront être augmentées, alors que les compositions d'hygiène et de cosmétologie privilégieront l'aspect et l'agrément d'application, tout en gardant une bonne efficacité.

De manière générale, alors que les goudrons seuls doivent être utilisés à une concentration de l'ordre de 6% (0,6 g/ml) , cette concentration peut être diminuée à 2% et même moins dans les compositions selon l'invention.

Les compositions selon l'invention peuvent être formulées notamment en crème, lotion, shampooing, onguent, pain dermatologique.

Des excipients appropriés, tels que parfums, stabilisants, tensioactifs, conservateurs, colorants sont ajoutés par des technologies connues de l'homme du métier.

Selon l'un des aspects de l'invention, les compositions antifongiques synergiques contiennent également des huiles essentielles, qui outre leur caractère aromatique, peuvent présenter une activité antiseptique intrinsèque renforçant l'activité de la composition.

Dans tous les cas, une synergie d'activité entre les goudrons et le crotamiton a été démontrée sur P. ovale, germe directement impliqué dans la pathologie des pellicules.

Les synergies sont efficaces sur les souches comportant une résistance aux imidazolés, qui ont une probabilité de fréquence élevée étant donné que ce type de molécule est utilisé depuis une vingtaine d'années.

En outre, les goudrons possèdent une activité réductrice et kératoplastique induisant, par inhibition de la mitose, une diminution numérique et dimensionnelle des cellules des couches superficielles épidermiques.

Par ailleurs, l'activité antiprurigineuse du crotamiton est particulièrement intéressante dans le traitement des pathologies tissulaires accompagnées de purit du type pellicules, états squameux, psoriasis, parasitoses, affections séborrhéiques, etc. Enfin, le pouvoir solvant du crotamiton joue un rôle important comme facteur de pénétration cutanée.

Il est donc possible d'associer des actifs à doses plus faibles donc moins toxiques et plus acceptables.

Cette association présente donc des intérêts multiples tant sur le plan galénique, toxicologique et économique que pour le confort du patient, en particulier s'il a été traité plusieurs fois aux dérivés imidazolés et si le traitement a engendré des souches résistantes à ces antifongiques.

Les compositions selon l'invention sont notamment utiles dans le traitement d'une affection choisie parmi les dermites séborrhéiques, les dermatoses eczématiques, lé pityriasis versicolor, le psoriasis, les états squameux et pelliculaires.

Les exemples qui suivent sont destinés à illustrer certains aspects de l'invention, sans aucunement en limiter la portée.

Dans ces exemples, on se référera à la figure en annexe, qui représente l'isobologramme de l'association crotamiton/goudron 3 sur Pityrosporum ovale 1.

Exemple 1

Des souches de Malassezia furfur (Pityrosporum ovale) ont été testées pour leur sensibilité vis-à-vis des principes actifs seuls ou en association.

Cette levure qui appartient à la flore cutanée humaine est représentative de la pathologie des états pelliculaires et squameux, puisqu'elle a été identifiée comme l'agent étiologique du pityriasis versicolor et une relation a été trouvé entre M. furfur et la dermatite séborrhéique (Shuster S. Brit. J. Dermatol., 1984, 11, 235-242). Les souches

sont issues du Laboratoire de parasitologie du Centre Hospitalier Régional Rangueil de Toulouse (France) et une souche est éconazole-résistante (éco- R). Elles ont été cultivées lors des essais sur milieu Dixon liquide et repiquées et entretenues sur milieu Dixon gélose. La technique de l'échiquier consiste à réaliser une association complète de deux gammes de dilution sériées de deux antifongiques, de façon que chaque concentration d'un antifongique se trouve en présence de toutes les concentrations de la gamme de l'autre antifongique et inversement. La méthode de l'échiquier a été réalisée en microplaques stériles

Nunc R (microméthode) avec les témoins de stérilité de milieu, de croissance des germes et de valeurs des CMF validant chaque essai.

Après ensemencement à l'aide d'un multiensemenceur manuel de type Steers, les cultures sont incubées 4 jours à 32° C. La lecture a lieu visuellement par rapport au témoin et le calcul des

FIC a été fait à partir des concentrations obtenues.

Les produits testés sont : crotamiton : les solutions-mère sont réalisées extemporanément à

1% dans l'alcool à 60%, - goudron 3 : coaltar crude rectifié ; la solution-mère à 2% est réalisée dans du Tween 20 à 20%.

Les résultats des essais sont résumés dans le tableau 1 ci-dessous. L'isobologramme de cette association est représenté sur la figure en annexe. La mesure des FIC permet de conclure à la synergie, le meilleur FIC étant égal à 0,5.

Exemple 2

L'association du crotamiton avec deux autres types de goudron a été testée en suivant la méthodologie décrite à l'exemple 1.

On effectue des solutions-mère de coaltar à 2% dans de l'éthanol à 60° à partir de : goudron 1 = extrait végétal MF 1024 (pin, cade, bouleau), goudron 2 = coaltar USP (extrait alcoolique à 20% de coaltar crude).

Les synergies observées entre les goudrons et le crotamiton sont résumées dans le tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2

Crotamiton

Goudron 1 2 3

Moyennes des FIC 0,75 0,37 0,5 0,53 0,75 0,5

Exemple 3

Exemples de formulations

SHAMPOOING 1

COALTAR CRUDE 0,5 %

CROTAMITON 2 %

ACIDE SALICYLIQUE 0,5 % POLYSORBATE 20 8 %

COCOAMPHODIACETATE (30 %) 10 %

ALKYLETHERSULFATE de Na (30 %) 30 %

DISTEARATE DE PEG 6000 3 %

MONOSTEARATE D'ETHYLENE GLYCOL. 1,5 % EAU PURIFIEE Q5P 100 ml

SHAMPOOING 2

COALTAR SOLUTION USP 2 ml CROTAMITON 2 g

COCOAMPHOGLYCINATE (30 %).... 1,5 g lAURYL SULFATE D'AMMONIUM. 7 %

POLYSORBATE 20 5 %

ELFACOS GT 282 S 2,8 % PARFUM QS

EAU PURIFIEE Q3P 100 ml

SOLUTION CAPILLAIRE

COALTAR SOLUTION USP 1,5 %

CROTAMITON 1 %

ACIDE SAUCYLIQUE 0,25 %

D-PANTHENOL 0,50 %

CREMOPHOR RH 40 3 %

ALCOOL ETHYUQUE 95° 63 %

EAU PURIFIEE QSP 100 ml

CREME CAPILLAIRE

CROTAMITON 3 %

COALTAR. 3 % GOUDRON DE PIN 0,30 %

GOUDRON DE CADE 0,30 %

ACIDE SAUCYLIQUE 0,75 %

STEARYLDIMETHYLAMINE OXYDE, 2,5 %

POLYSORBATE 20 3 % LANOIATE DE SORBITAN (40 EO)... 7,5 %

PARAFFINE PLAQUE 5 %

LANOUNE 3 %

PROPYLENE GLYCOL 5 %

EAU PURIFIEE QSP 100 %

SOLUTION POUR LE BAIN

CROTAMITON 3 %

COALTAR LAVE 3 % POLYSORBATE 20 20 %

CETIOL HE 10 %

NONOXYNOL 9 10 %

PROPYLENE GLYCOL 20 %

ETHOXYDIGLYCOL QSP 100 g

PAIN DERMATOLOGIQUE

COALTAR LAVE 0,75 g

CROTAMITON 1,50 g ETHOXYDIGLYCOL 0,75 g

PEG-75 LANOUN ALCOHOL 0,50 %

BASE ISETHIONATE/HEMISULFOSUCCINATE . QSP 100 g