DOMAINE TECHNIQUE GENERAL

La présente invention concerne une roue aubagée volontairement désaccordée d'une turbomachine.

ETAT DE L'ART

Une turbomachine comprend généralement, d'amont en aval, dans le sens d'écoulement des gaz, une soufflante, un ou plusieurs étages de compresseurs, par exemple un compresseur basse pression et un compresseur haute pression, une chambre de combustion, un ou plusieurs étages de turbine, par exemple une turbine haute pression et une turbine basse pression, et une tuyère d'échappement des gaz.

Chaque étage de compresseur ou de turbine est formé par un aubage fixe ou stator et un aubage tournant ou rotor autour de l'axe principal de la turbomachine.

Chaque rotor comprend de manière classique un disque s'étendant autour de l'axe principal de la turbomachine et comprenant une plateforme annulaire, ainsi qu'une pluralité d'aubes réparties de manière régulière autour de l'axe principal de la turbomachine et s'étendant radialement par rapport à cet axe depuis une surface extérieure de la plateforme du disque. On parle aussi de « roues aubagées ».

Les roues aubagées font l'objet de phénomènes vibratoires multiples dont les origines peuvent être aérodynamiques et/ou mécaniques.

On s'intéresse tout particulièrement ici au flottement, qui est un phénomène vibratoire d'origine aérodynamique. Le flottement est lié à la forte interaction entre les aubes et le fluide qui les traverse. En effet, lorsque la turbomachine est en fonctionnement, les aubes, en étant traversées par le fluide, modifient son écoulement. En retour, la modification de l'écoulement du fluide qui traverse les aubes a pour effet de les exciter en vibration. Or, lorsque les aubes sont excitées au voisinage d'une de leur fréquence propre de vibration, ce couplage entre le fluide et les aubes peut devenir instable ; c'est le phénomène de flottement. Ce phénomène se traduit alors par des oscillations d'amplitude croissante des aubes pouvant mener à des fissures ou pire à la destruction de la roue aubagée.

Ce phénomène est donc très dangereux et il est primordial d'éviter que le couplage entre le fluide et les aubes devienne instable.

Afin de pallier ce problème, il est connu de « désaccorder volontairement » les roues aubagées. Le désaccordage volontaire d'une roue aubagée consiste à exploiter la symétrie cyclique de la roue aubagée, à savoir le fait que les roues aubagées sont généralement composées d'une série de secteurs géométriquement identiques, et à créer une disparité fréquentielle entre toutes les aubes de ladite roue aubagée. Autrement dit, le désaccordage volontaire d'une roue aubagée consiste à introduire des variations entre les fréquences propres de vibration des aubes de ladite roue aubagée. Une telle disparité fréquentielle permet de stabiliser la roue aubagée vis-à-vis du flottement en augmentant son amortissement aéro-élastique.

Le « désaccordage volontaire » s'oppose au « désaccordage involontaire » qui lui est le résultat de petites variations géométriques des roues aubagées ou à de petites variations des caractéristiques du matériau qui les constitue, généralement dues aux tolérances de fabrication et de montage, pouvant conduire à de petites variations des fréquences propres de vibration d'une aube à une autre.

Plusieurs solutions ont déjà été apportées pour désaccorder volontairement une roue aubagée.

Le document FR 2 869 069 décrit par exemple un procédé pour introduire un désaccordage volontaire dans une roue aubagée d'une turbomachine déterminée de manière à réduire les niveaux vibratoires de la roue en réponse forcée, caractérisé par le fait qu'il consiste à déterminer, en fonction des conditions de fonctionnement de la roue à l'intérieur de la turbomachine, une valeur optimale d'écart type de désaccordage par rapport à la réponse maximale en amplitude de vibration voulue sur la roue, disposer sur ladite roue, au moins en partie, des aubes de fréquences propres différentes de telle sorte que la répartition des fréquences de l'ensemble des aubes présente un écart type au moins égal à la dite valeur de désaccordage. Ce document propose en outre plusieurs solutions technologiques pour modifier les fréquences propres de vibration d'une aube à l'autre, parmi lesquelles le fait d'utiliser des matériaux différents pour les aubes ou le fait s'agir sur leur géométrie, par exemple en utilisant des aubes de différentes longueurs.

Toutefois, ces solutions technologiques présentent l'inconvénient de modifier les performances aérodynamiques des aubes. Ces solutions technologiques ont donc un effet néfaste sur les performances de la turbomachine.

Un autre exemple est décrit dans le document US 2015/0198047. Ce document décrit une roue aubagée comprenant alternativement des aubes formées à partir d'un premier alliage de titane et des aubes formées à partir d'un deuxième alliage de titane, les premier et deuxième alliages de titane induisant des fréquences propres de vibration d'aube différentes.

Comme pour la solution proposée dans le document FR 2 869 069, cette solution présente l'inconvénient de perturber les performances aérodynamiques des aubes et donc de dégrader les performances de la turbomachine.

PRESENTATION DE L'INVENTION

La présente invention a notamment pour objectif de pallier les inconvénients des techniques de désaccordage volontaire de l'art antérieur.

Plus précisément, la présente invention a pour objet une roue aubagée d'une turbomachine comprenant un disque s'étendant autour d'un axe longitudinal, suivant un plan médian, et une pluralité d'aubes réparties de manière régulières autour dudit axe longitudinal et s'étendant radialement depuis le disque, le disque comprenant une toile ondulée alternativement vers l'amont et vers l'aval du plan médian, de manière à introduire un désaccordage volontaire de la roue aubagée.

Préférentiellement, les ondulations de la toile du disque se succèdent le long d'une ligne s'étendant dans le plan médian et entourant l'axe longitudinal .

Préférentiellement, sur des demi-périodes définies entre deux points consécutifs de la toile disposés dans le plan médian et correspondant à une épaisseur médiane de la toile, les ondulations de la toile du disque sont définies à partir d'une courbe représentative d'une fonction polynomiale de degré 2.

Préférentiellement, les ondulations de la toile du disque sont de période constante.

Préférentiellement, le nombre de périodes réalisées par les ondulations de la toile du disque sur 360° autour de l'axe longitudinal est pair.

Préférentiellement, les ondulations de la toile du disque présentent une même amplitude maximale.

L'invention a également pour objet un compresseur, une turbine ou une soufflante de turbomachine comprenant une roue aubagée telle que précédemment décrite, ainsi qu'une turbomachine comprenant un tel compresseur, une telle turbine ou une telle soufflante.

PRESENTATION DES FIGURES

D'autres caractéristiques, buts et avantages de la présente invention apparaîtront à la lecture de la description détaillée qui va suivre, et en regard des dessins annexés donnés à titre d'exemples non limitatif et sur lesquels :

- la figure 1 est une vue schématique, en coupe longitudinale, d'une turbomachine à double flux ;

- les figures 2a à 2c sont respectivement une vue de face et des vues en perspective d'une roue aubagée selon un mode de réalisation de l'invention ;

- La figure 3 est une vue de profil d'une toile de la roue aubagée illustrée aux figures 2a à 2c ; La figure 4 est un graphique représentant des ondulations de la toile illustrée à la figure 3.

DESCRIPTION DETAILLEE

La figure 1 illustre une turbomachine à double flux 10. La turbomachine 10 s'étend selon un axe principal 1 1 et comprend une manche d'air 12 par laquelle un flux de gaz pénètre dans la turbomachine 10 et dans laquelle le flux de gaz traverse une soufflante 13. En aval de la soufflante 13, le flux de gaz se sépare en un flux de gaz primaire s'écoulant dans une veine primaire 14 et un flux de gaz secondaire s'écoulant dans une veine secondaire 15.

Dans la veine primaire 14, le flux primaire traverse, d'amont en aval, un compresseur basse pression 16, un compresseur haute pression 17, une chambre de combustion 18, une turbine haute pression 19, une turbine basse pression 20, et un carter d'échappement des gaz auquel est reliée une tuyère d'échappement 22. Dans la veine secondaire 15, le flux secondaire traverse un aubage fixe ou redresseur de soufflante 24, puis vient se mélanger au flux primaire au niveau de la tuyère d'échappement 22.

Chaque compresseur 16, 17 de la turbomachine 10 comprend plusieurs étages, chaque étage étant formé par un aubage fixe ou stator et un aubage tournant ou rotor 23 autour de l'axe principal 1 1 de la turbomachine 10. L'aubage tournant ou rotor 23 est aussi appelé « roue aubagée ».

Les figures 2a à 2c montrent différentes vues d'une roue aubagée 23 selon un mode de réalisation de l'invention.

La roue aubagée 23 comprend un disque 25 agencé dans un plan médian

PM et s'étendant autour d'un axe longitudinal 26 qui, lorsque la roue aubagée 23 est montée dans la turbomachine 10, est confondu avec l'axe principal 1 1 de ladite turbomachine 10.

Le disque 25 comprend une toile 27 ménagée entre un moyeu 28 radialement interne par l'intermédiaire duquel la roue aubagée 23 est montée en rotation autour de l'axe principal 1 1 de la turbomachine 10 et une plateforme annulaire 29 agencée à la périphérie externe du disque 25. La toile 27 présente une épaisseur sensiblement constante. On entend par « épaisseur » la dimension de la toile 27 disposée selon l'axe longitudinal 26. On entend par « sensiblement constante » que la toile 27 est d'épaisseur constante aux erreurs près, c'est-à-dire à 0.1 mm près.

La roue aubagée 23 comprend en outre une pluralité d'aubes 30 réparties de manière régulière autour de l'axe longitudinal 26 et s'étendant radialement par rapport à cet axe 26 depuis la plateforme 29. Les aubes 30 peuvent être monoblocs avec le disque 25 ou être rapportées sur le disque 25 par des moyens bien connus de l'homme du métier.

La figure 3 montre une vue de profil de la toile 27 de la roue aubagée 23 illustrée aux figures 2a à 2c.

La toile 27 du disque 25 est ondulée alternativement vers l'amont et vers l'aval du plan médian MP. Autrement dit, la toile 27 présente alternativement un décalage par rapport au plan médian PM dans un sens puis dans l'autre suivant l'axe longitudinal 26.

D'une manière générale, les roues aubagées présentent une symétrie cyclique. Autrement dit, les roues aubagées sont composées d'une série de secteurs géométriquement identiques qui se répètent de manière circulaire. Cette symétrie cyclique a une incidence sur le comportement vibratoire des roues aubagées. En effet, les roues aubagées présentent parmi leurs déformées modales, des déformées modales tournantes qui sont la combinaison de deux ondes stationnaires de déformation.

Les ondulations de la toile 27 permettent de modifier la répartition circonférentielle de la raideur du disque 25 et ainsi de réaliser une séparation fréquentielle entre les deux ondes stationnaires de déformation d'une même déformée modale tournante de la roue aubagée 23, la séparation fréquentielle entre deux ondes stationnaires de déformation d'une même déformée modale tournante de la roue aubagée 23 introduit une résistance à la propagation circulaire d'une instabilité vibratoire d'une aube 30 ou d'un paquet d'aubes 30 adjacentes. En conséquence, cette séparation fréquentielle permet de stabiliser la roue aubagée 23 vis-à-vis du flottement en augmentant son amortissement aéro- élastique. Par ailleurs, les ondulations de la toile 27 cassent la symétrie cyclique de la roue aubagée 23 ce qui a pour effet de limiter l'énergie des déformées modales tournantes et donc également de stabiliser la roue aubagée 23 vis-à-vis du flottement. Les ondulations de la toile 27 permettent donc d'introduire un désaccordage volontaire de la roue aubagée 23.

La présente invention tire donc avantage du fort couplage dynamique entre les aubes 30 et le disque 25 pour induire une disparité fréquentielle entre les aubes 30 en modifiant la géométrie du disque 25. La séparation fréquentielle sera d'autant plus grande que la déformée modale visée fait fortement participer le disque 25, notamment la toile 27.

Par ailleurs, en ne modifiant pas la géométrie ou le matériau des aubes 30, on évite d'impacter leurs performances aérodynamiques.

Les ondulations de la toile 27 du disque 25 se succèdent le long d'une ligne s'étendant dans le plan médian PM et entourant l'axe longitudinal 26. Autrement dit, les ondulations de la toile 27 se succèdent de manière circulaire autour de l'axe longitudinal 26. Les points de la toile 27 qui sont disposés à une même épaisseur de la toile 27 et qui sont disposés à un même angle Θ, par rapport à l'axe longitudinal 26, d'un point de référence quelconque disposé à cette même épaisseur présentent le même décalage par rapport au plan médian PM suivant l'axe longitudinal 26. Cet angle Θ représente la coordonnée tangentielle. Les ondulations de la toile 27 ne varient donc pas en fonction du rayon - de la coordonnée radiale - de la toile 27 auquel/à laquelle on se place.

A titre d'exemple, on a placé sur la figure 2b des points Pi , P2 et P3 de même coordonnée tangentielle et un point de référence P _r choisi de manière arbitraire afin d'illustrer leur coordonnée tangentielle Θ. La figure 4 montre un graphique sur lequel sont représentées les ondulations O de la toile 27 de la roue aubagée 23. Le graphique représente respectivement en abscisse et en ordonnée les coordonnées tangentielles Θ et longitudinales x des ondulations O de la toile 27, à une épaisseur médiane de la toile 27 et à une coordonnée radiale fixe et quelconque. L'axe des abscisses du graphique correspond à une ligne s'étendant dans le plan médian PM et entourant l'axe longitudinal 26 à un rayon quelconque.

Les ondulations O de la toile 27 du disque 25 sont de préférence de période T constante. Dans l'exemple illustré à la figure 4, la période T correspond à 180°. Ainsi, les ondulations O de la toile 27 du disque 25 ne perturbent qu'à minima l'équilibre statique et dynamique de la roue aubagée 23.

Le nombre de périodes T réalisées par les ondulations sur 360° autour de l'axe longitudinal 26 est de préférence pair. Dans l'exemple illustré à la figure 4, la toile 27 ondule sur deux périodes T. Ainsi, les ondulations O de la toile 27 du disque 25 ne perturbent qu'à minima l'équilibre statique et dynamique de la roue aubagée 23. On comprendra que le nombre de périodes T ne se limite pas à deux périodes T, mais qu'il dépend de la taille de la roue aubagée 23 concernée et des limites relatives à la fabrication de la toile 27 ondulée.

Sur chacune des demi-périodes T/2 définies entre deux points de la toile 27 disposés dans le plan médian PM et correspondant à l'épaisseur médiane de la toile 27, les ondulations O sont définies à partir d'une courbe représentative d'une fonction polynomiale de degré 2. Pour cela, une courbe représentative d'une fonction polynomiale de degré 2 est par exemple interpolée, sur chacune des demi-périodes T/2, à partir desdits deux points de la toile 27 disposés dans le plan médian PM et correspondant à l'épaisseur médiane et d'un autre point correspondant à l'amplitude maximale A et à l'épaisseur médiane de la toile 27. A titre d'exemple, on a placé sur la figure 4, pour la première demi-période T/2, des points P ₄ , P5 disposés dans le plan médian PM et un point ΡΘ correspondant à l'amplitude maximale A. Cela a pour avantage de faciliter la fabrication de la toile 27 et donc de la roue aubagée 23, notamment lorsque la fabrication est réalisée au moyens de machines de fabrication assistée par ordinateur peu sophistiquées.

Les ondulations O de la toile 27 peuvent présenter une amplitude maximale différente. Dans ce cas, les ondulations des périodes T qui sont diamétralement opposées sont de même amplitude maximale, afin de minimiser l'impact desdites ondulations sur l'équilibre statique et dynamique de la roue aubagée 23. De préférence, cependant, les ondulations O présentent une même amplitude maximale A sur chaque demi-période T/2, comme cela est illustré à la figure 4. Cela permet de préserver l'équilibre statique et dynamique de la roue aubagée 23. L'amplitude maximale A est par exemple inférieure ou égale à la moitié de l'épaisseur de la plateforme 29. On entend par « épaisseur » la dimension de la plateforme 29 disposée selon l'axe longitudinal 26.

Le tableau ci-dessous présente les résultats obtenus sur les deux premières déformées modales pour deux roues aubagées 23 conformes à l'invention. La première des roues aubagées 23 présente des ondulations de période T égale à 180° et d'amplitude maximale A égale à 1 .8mm. La deuxième des roues aubagées 23 présente des ondulations de période T égale à 180° et d'amplitude maximale A égale à 3.6mm.

II ressort de ce tableau qu'avec les ondulations de la toile 27 du disque 25 des roues aubagées 23, la fréquence des deux ondes stationnaires de déformation pour chacune des première et deuxième déformées modales de ces roues aubagées 23 est différente. Les ondulations de la toile 27 du disque 25 permettent donc bien d'obtenir une séparation fréquentielle entre les deux ondes stationnaires de déformation des première et deuxième déformées modales des roues aubagées 23 et donc d'introduire un désaccordage volontaire desdites roues aubagées 23.

Les tolérances de fabrication aboutissent généralement à des écarts de fréquence de l'ordre de 0.3% entre les deux ondes stationnaires de déformation des déformées modales des roues aubagées 23. Cela correspond à un désaccordage involontaire. Afin de couvrir le désaccordage involontaire, on cherche par exemple à obtenir un désaccordage volontaire qui est a minima deux fois au-dessus du désaccordage involontaire. Ainsi, pour la première roue aubagée 23, le désaccordage volontaire obtenu pour la première déformée modale qui est de 0.3% est trop juste et serait donc inacceptable si la première déformée modale était spécifiquement ciblée par le désaccordage volontaire. Au contraire, il permet d'obtenir une séparation fréquentielle de 1 .0% pour la deuxième déformée modale ce qui est au-dessus du minimum requis. Le désaccordage volontaire de la première roue aubagée 23 est donc particulièrement approprié si c'est la deuxième déformée modale qui est ciblée par le désaccordage volontaire. On comprendra donc qu'il s'agit d'un compromis, qui dépend de la déformée modale qui est ciblée.

La présente invention est décrite ci-dessous en faisant référence à une roue aubagée 23 d'un compresseur 16, 17 de turbomachine 10. Toutefois, l'invention s'applique de la même façon à un rotor 32 d'une turbine 19, 20 ou à une soufflante 13, dans la mesure où ces roues aubagées peuvent être également confrontées à des phénomènes vibratoires gênants, tel que le flottement.