La présente invention concerne de nouvelles formulations pour le traitement de denrées alimentaires, notamment les fruits ainsi que le procédé de traitement au moyen desdites formulations par application auxdites denrées.

Il importe que lesdites denrées alimentaires ne perdent pas leurs qualités organoleptiques et conservent un aspect engageant lors de leur mise sur le marché pour une consommation rapide. Or, après récolte, les fruits par exemple sont couramment stockés pendant de périodes relativement longues avant d'être mis sur le marché. Les phénomènes susceptibles d'altérer l'aspect et le goût des fruits sont notamment la prolifération de champignons et de bactéries à leur surface, ainsi que les échaudures de prématurité (ou « scald ») dues à des produits oxydés se traduisant par un noircissement de la peau. Ces détériorations sont encore plus rapides au niveau des micro-blessures et des entailles apparaissant sur la peau au cours du stockage ou de la manipulation des fruits.

De nombreux procédés existent dans l'état de la technique pour le traitement des fruits, ce qui permet de ralentir et/ou d'empêcher totalement ou partiellement la prolifération des bactéries et champignons à leur surface.

Ainsi, la demande WO 00/32053 décrit un procédé de traitement fongicide de fruits et légumes après récolte par aspersion ou douchage d'une composition comprenant l'eugénol, éventuellement un tensioactif et éventuellement un solvant choisi parmi les alcools, les glycols, l'eau, les esters alkyliques d'acide carboxylique et leurs mélanges, ladite composition étant portée à température comprise entre 40 ° et 60°C. Cependant, le traitement nécessite le refroidissement rapide des fruits et légumes.

EP0795272 propose un procédé antioxydant des fruits et légumes par immersion ou douchage d'une composition aqueuse comprenant un composé terpénique et/ou polyphénol, à température comprise entre 40 °C et 60 °C. La composition comprend avantageusement un tensioactif.

WO00/32054 mentionne une composition comprenant l'eugénol et le dipropylène glycol : cependant cette formulation est utilisée pour le traitement antigerminatif des pommes de terre, par dispersion ou mise en solution dans l'eau, puis aspersion.

Cependant, l'immersion ou douchage à 40-60 °C peut être phytotoxique et une faible durée d'application et/ou le refroidissement ultérieur du fruit traité est nécessaire, rendant ainsi le procédé difficile à mettre en œuvre. L'immersion et le douchage ne permettent pas un enrobage de qualité satisfaisante.

Enfin, ces procédés nécessitent la présence de tensio-actifs qui, de fait, affectent la pénétration du principe actif dans la peau des fruits, de sorte que le principe actif est peu absorbé et évaporé. Il est donc nécessaire d'utiliser des concentrations et doses élevées de principe actif pour tenir compte de cette perte importante. Or, cette augmentation de dose présente deux inconvénients majeurs :

le niveau de résidus qui, inévitablement, augmente dans les denrées alimentaires ;

le goût et/ou l'odeur désagréable de l'eugénol qui résulte de ces résidus ; et le coût en principe actif à mettre en œuvre, rapporté à la quantité effectivement efficace pour le fruit.

Ainsi, il est désirable de mettre à disposition de nouvelles formulations pour le traitement des denrées alimentaires permettant de potentialiser l'activité du principe actif tout en permettant une application aisée. Les présents inventeurs ont donc mis en évidence que la combinaison d'une huile essentielle et de dialkylène glycol permettait de potentialiser l'effet fongicide, bactéricide et antioxydant de l'huile essentielle, permettant ainsi de diminuer la quantité d'huile essentielle et de matière active, et donc de limiter les résidus dans les denrées alimentaires traitées.

Selon un premier objet, la présente invention concerne donc un procédé de traitement fongicide, bactéricide et/ou antioxydant des denrées alimentaires comprenant l'application d'une formulation comprenant une huile essentielle et/ou un de ses constituants ou leurs mélanges dans un dialkylène glycol.

Typiquement, la formulation peut être sous forme de solution. Avantageusement, la formulation ne contient pas d'eau.

Généralement, ladite formulation comprend de 10% à 80% (poids) d'huile essentielle et/ou un de ses constituants ou leurs mélanges et 20% à 90% (poids) du dialkylène glycol, préférentiellement de 10 à 70% dudit constituant et 30 à 90% du dialkylène glycol.

A titre de denrées alimentaires, la présente invention vise notamment les fruits et particulièrement le traitement des pommes, poires, tomates, pêches, agrumes, kaki, grenade, kiwi, grains.

Le terme « huile essentielle » appliqué ici vise l'huile essentielle ainsi que un de ses constituants et/ou ses mélanges. Le terme « constituant » fait ici référence aux constituants actifs, c'est-à-dire présentant une activité bactéricide, fongicide et/ou antioxydante, notamment fongicide et antioxydante.

Ainsi, à titre d'huile essentielle, on peut notamment citer l'huile de menthe, et/ou l'huile de thym et/ou l'huile d'origan et/ou l'huile de girofle, ainsi que leurs constituants, à savoir la L-carvone, le thymol, le carvacrol et l'eugénol respectivement et/ou leurs mélanges.

Lesdites huiles comprennent généralement de 50 à 90% dudit constituant ; ainsi, l'huile de girofle contient généralement environ 80% d'eugénol et l'huile de menthe environ 70% de L-carvone.

Par « dialkylène glycol », on désigne un composé de formule (I) suivante :

dans laquelle :

n et m représentent indépendamment un nombre entier de 1 à 5,

- j représente un nombre entier variant de 1 à m et k représente un nombre entier variant de 1 à n,

- pour chaque valeur de j et pour chaque valeur de k, RV, R ₂ \ R ₃ ^k et R ₄ ^k identiques ou différents, représentent indépendamment un atome d'hydrogène, un hydrocarbure linéaire ou ramifié comprenant de 1 à 10 atomes de carbone, notamment un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 1 à 10 atomes de carbone, de préférence 1 à 5 atomes de carbone. De préférence, pour chaque valeur de j et pour chaque valeur de k, RV, R ₂ \ R ₃ ^k et R ₄ ^k représentent indépendamment un atome d'hydrogène, un méthyle, un éthyle, un n-propyle ou i- propyle.

Le diéthylène glycol, le dipropylène glycol et le dibutylène glycol sont des exemples de dialkylène glycol. Selon un aspect particulier, ledit dialkylène glycol est le dipropylène glycol.

La solution peut comprendre un mélange de dialkylène glycols de formule (I).

Les formulations se présentent notamment sous forme de solution. Par « solution », on entend que l'huile essentielle est soluble dans le dialkylène glycol. Ainsi, lors de l'application de la formulation selon l'invention sur les denrées, l'huile essentielle se répartit uniformément et ne conduit pas à la formation d'amas. Les formulations selon l'invention présentent une activité fongicide et/ou antioxydante comparable aux formulations concentrées et ce à dose totale équivalente en principe actif.

Les formulations selon l'invention présentent également l'avantage de diminuer la phytotoxicité qui peut être observée lors de l'application d'huiles essentielles et/ou leurs constituants. Ainsi, les formulations selon l'invention présentent une phytotoxicité moindre que les formulations concentrées et ce à dose totale équivalente en principe actif.

De plus, il a été démontré par les inventeurs que le taux de résidus est nettement inférieur dans le cas des formulations selon l'invention dès les premiers jours après application, comparativement aux formulations concentrées d'huiles essentielles et ce rapporté à une dose totale équivalente en principe actif. Ce taux d'absorption inférieur, notamment dès l'application, permet notamment de ralentir la dégradation des qualités organoleptiques et d'éliminer la phytotoxicité.

D'autre part, les solutions selon l'invention sont parfaitement stables jusqu'à plusieurs mois, de préférence au moins un mois, à basse température, de préférence jusqu'à O'C. Ceci permet donc à l'utilisateur final de stocker les formulations dans les chambres froides, par exemple.

Selon un mode de réalisation particulier, la solution peut comprendre en outre un ou plusieurs émulsifiants.

Selon la présente invention, on entend par « émulsifiant » tout type d'agent habituellement utilisé à cet effet, tels que les alcools gras éthoxylés, les acides gras éthoxylés, les alkylphénols éthoxylés ou tout autre produit non ionique.

Les formulations selon l'invention peuvent comprendre généralement de 0% à 20% en poids, notamment de 0% à 15% en poids et plus particulièrement de 1 % à 5% en poids d'émulsifiant.

Le procédé selon l'invention est de préférence mis en œuvre pour le traitement fongicide et antioxydant, et plus particulièrement fongicide.

L'application est généralement réalisée par thermonébulisation.

Celle-ci peut être avantageusement réalisée au moyen de l'Electrofog Xeda ou tout autre dispositif tel que décrit dans la demande FR 2 566 681 . La température d'ébullition desdits alkylène glycols étant élevée et celle des huiles supérieure à 230°C, il est possible de réaliser la thermonébulisation à de hautes températures et d'obtenir des brouillards de bonne qualité. Par exemple, la température d'ébullition du dipropylène glycol est de 232 ^< C. La température de thermonébulisation est généralement de 40 degrés inférieure à celle de la température d'ébullition, et avoisine donc dans ce cas 192 °C. A cette température, un brouillard de bonne qualité est obtenu, c'est-à-dire composé de particules de faible taille et de faible distribution, ce qui permet de répartir l'huile essentielle et/ou ses constituants sur les denrées de façon très homogène.

De préférence, les formulations selon l'invention sont appliquées à une température comprise entre 170 ° et 230°C, notamment entre 190° et 215 °C, dans le cas de la thermonébulisation. Dans le cas de l'atomisation, les formulations peuvent être appliquées à température comprise entre 0 ° et 35 °C, notamment dans les chambres froides de stockage.

La quantité de formulation selon l'invention devant être appliquée aux denrées dépend essentiellement de la méthode d'application sélectionnée. En général, on applique par application, sur une période de 6 mois, environ 30 à 300 g, généralement de 100 à 200 g de formulation par tonne de denrées traitées, soit de 3 à 210g/tonne, généralement de 10 à 140 g/tonne de principe actif, particulièrement environ 75g/tonne de principe actif. Plus généralement, on ajuste la quantité appliquée de principe actif en fonction de la durée de stockage.

L'application peut être continue ou intermittente au cours de la durée de stockage. De préférence, l'application est répétée dans l'enceinte de stockage tous les mois à des doses réduites par rapport a la première application. L'avantage de cette application répétée est d'assainir périodiquement aussi l'atmosphère de la chambre en baissant le niveau de spores dans l'air et baisser le danger de contamination indirecte des denrées saines par les spores de champignons véhiculées par la recirculation d'une atmosphère polluée.

Ainsi, par exemple, l'application est répétée tous les mois, avec une dose, par application, comprise entre 15 et 100 g de préférence 50 g de formulation par tonne de denrées traitées.

Selon un autre objet, l'invention concerne également un procédé de préparation des formulations selon l'invention comprenant l'étape consistant à solubiliser une huile essentielle et/ou ses constituants dans un dialkylène glycol. De préférence, le dialkylène glycol est du dipropylène glycol. La solubilisation peut généralement être effectuée sous agitation.

Les souches bactériennes touchant les denrées alimentaires sont par exemple Erwinia carotovora ou Escherichia coli. Comme exemple d'espèces de champignons, on peut citer Fusa um oxysporum, Geotricum candidum, Gloeosporium fructigenum, Pénicillium digitatum, Pénicillium expansum, Phytophthora parasitica, Botrytis cinerea, Monilinia fructigena, Aspergillus niger La Figure 1 représente les niveaux de résidus en eugénol dans les fruits traités par une formulation selon l'invention (BIOX CD) et à titre comparatif une formulation concentrée à dose totale proche équivalente (BIOX C) et une formulation concentrée à mi-dose totale (BIOX C mi-dose).

Les exemples suivants sont donnés à titre illustratif et non limitatif de la présente invention.

Exemple 1 : Détermination de l'efficacité de l'huile de girofle (Biox C) et de l'huile de girofle dissoute dans le dipropylène glycol (Biox CD) contre les maladies post-récolte des pommes et des poires

Cette étude a été effectuée pour évaluer l'efficacité fongicide de la formulation Biox C (contenant environ 80% d'eugénol) et de la formulation Biox CD (25% d'huile de girofle dans 75% de dipropylène glycol, soit comprenant environ 20% d'eugénol), chacune des formulations étant appliquée par thermonébulisation avec l'Electrofog Xeda®, à température d'environ 192°C, et à une concentration de 25 g par tonne pour la formulation Biox C (soit 20 g/tonne d'eugénol) et 80 g par tonne pour la formulation Biox CD (soit 16 g/tonne), sur pommes et poires. Des doses totales en eugénol quasi équivalentes ont donc été appliquées.

La phytotoxicité des traitements a également été étudiée pour les fruits traités.

Des pommes Golden et des poires Abate ont été récoltées puis placées dans des chambres froides à 1 °C. Les fruits ont alors été inoculés à température ambiante. La peau du fruit a été entaillée sur son équateur sur une épaisseur de 1 mm et une suspension de spores pathogènes a été inoculée. Les fruits ont été séchés pendant 24 heures, puis placés à nouveau en chambre de stockage pour le traitement par atomisation.

Trois souches pathogènes ont été inoculées : Botrytis cinerea, Pénicillium expansum et Monilinia fructigena. Chaque lot inoculé a été traité respectivement avec la formulation Biox C et la formulation Biox CD (à 25 g et 80 g de formulation par tonne de fruits respectivement). Un lot non traité a servi de contrôle.

Les résultats ont été les suivants :

Activité fongicide : Tous les lots traités ont permis de contrôler de façon statistique la maladie, à la fois en termes d'incidence et de sévérité.

Phytotoxicité : certains symptômes de phytotoxicité ont été observés avec la formulation Biox C. Aucune phytotoxicité n'a été observée avec la formulation Biox CD, et ce malgré la dose totale en eugénol équivalente. Evaluation orqanoleptique des fruits traités : une altération significative du goût a été détectée pour les pommes et poires traitées avec la formulation Biox C. Aucun changement de goût n'a été détecté avec la formulation Biox CD, et ce malgré la dose totale en eugénol équivalente.

Détermination des niveaux de résidus d'euqénol : l'objectif de cette étude était de déterminer les niveaux de résidus d'eugénol dans les pommes et poires après une application des formulations Biox C et Biox CD. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant :

Les niveaux de résidus après traitement avec la formulation Biox C à 7 jours sur les pommes ont été six fois plus élevés qu'avec le traitement avec la formulation Biox CD, et quatre fois plus élevés sur les poires.

A 30 jours après traitement, les niveaux de résidus d'eugénol avec la formulation Biox C sur pommes et poires ont été 2,4 fois plus élevés que les niveaux de résidus obtenus avec la formulation Biox CD.

La figure 1 représente les courbes de variation de résidus d'eugénol au cours du temps avec les formulations selon l'invention (Biox CD) et les formulations concentrées d'eugénol (Biox C). Il apparaît de la figure 1 une baisse brutale de résidus obtenue avec la formulation Biox CD dès les premiers jours après traitement. Ce niveau très bas de résidus réduit ainsi le risque d'absorption trop importante par le fruit dans la phase initiale, ce qui permet de limiter les risques conséquents de phytotoxicité et de mauvais goût.

Avec la formulation Biox CD, la valeur de résidus est, à partir du 20 ^e jour, environ de moitié par rapport à la formulation Biox C. Cette valeur garantit la présence d'un résidu acceptable et la protection du fruit pendant environ 30 jours. Il apparaît également de la figure 1 que la formulation Biox C utilisée à mi-dose permet d'obtenir le même résidu que la formulation Biox CD à 30 jours mais avec des valeurs de résidus bien plus importantes dans les premiers jours. Ces valeurs élevées conduisent à une absorption importante par la peau du fruit, avec des impacts néfastes en termes de goût et de phytotoxicité.