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Title:
METHOD AND DEVICE FOR THE PRODUCTION OF COLD
Document Type and Number:
WIPO Patent Application WO/2013/186763
Kind Code:
A1
Abstract:
The invention relates to a method for the production of cold, characterised in that it comprises the following steps consisting in: bringing a fluid (L) into contact with at least one ultra-wetting surface (S1, S2); and causing a non-turbulent flow of said fluid above said surface, with a sufficiently low shear rate to satisfy a non-slip condition between the fluid and the surface. The invention also relates to a cooling device for implementing such a method.

Inventors:
BARONI PATRICK (FR)
NOIREZ LAURENCE (FR)
BOUCHET PATRICE (FR)
Application Number:
PCT/IB2013/054946
Publication Date:
December 19, 2013
Filing Date:
June 17, 2013
Export Citation:
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Assignee:
CENTRE NAT RECH SCIENT (FR)
International Classes:
F25B23/00
Other References:
L. NOIREZ , H.MENDIL-JAKANI , P. BARONI: "Identification of finite shear-elasticity in the liquid state of molecular and polymeric glass-formers", PHILOSOPHICAL MAGAZINE, vol. 91, no. 13-15, 1 May 2011 (2011-05-01) - 21 May 2011 (2011-05-21), pages 1977 - 1986, XP008160917, DOI: 10.1080/14786435.2010.536176
E. GUYON; J.P. HULIN; L. PETIT: "Hydrodynamique Physique", 2001, EDP SCIENCES
J.F. KINCAID; H. EYRING; A.E. STREARN, CHEM. REV., vol. 28, 1941, pages 301
H. MENDIL; P. BARONI; L. NOIREZ: "Solid-like rheological response of non-entangled polymers in the molten state", EURO. PHYS. J. E, FOCUS POINT, vol. 19, 2006, pages 77
L. NOIREZ; P. BARONI; H. MENDIL-JAKANI: "The missing parameter in rheology: Hidden Solid-like Correlations in Liquid Polymers and Glass Formers", POLYMER INTERNATIONAL, vol. 58, 2009, pages 962
L. NOIREZ; P. BARONI: "Revealing the solid-like nature of Glycerol at ambient temperature", J. OF MOLECULAR STRUCTURE, vol. 972, 2010, pages 16
L. NOIREZ; H. MENDIL-JAKANI; P. BARONI: "Identification of finite shear-elasticity in the liquid state of molecular (OTP) and polymeric glass formers (PBuA", PHILOSOPHICAL MAGAZINE, vol. 91, 2011, pages 1977 - 1986
Attorney, Agent or Firm:
BOLINCHES, Michel et al. (FR)
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Claims:
REVENDICATIONS

1. Procédé de production du froid, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes consistant à :

- mettre un fluide (L) en contact avec au moins une surface ultra-mouillante (Si, S2) ; et

provoquer un écoulement non turbulent dudit fluide au- dessus de ladite surface, avec un taux de cisaillement suffisamment faible pour que soit satisfaite une condition de non-glissement entre le fluide et la surface.

2. Procédé selon la revendication 1 , dans lequel ledit fluide forme un film d'épaisseur comprise entre 100 μιτι et 5 cm.

3. Procédé selon la revendication 1 , dans lequel ledit fluide forme un film d'épaisseur comprise entre 500 μηι et 1 cm.

4. Procédé selon l'une des revendications précédente, dans lequel ledit écoulement est confiné entre au moins deux surfaces ultra- mouillantes.

5. Procédé selon la revendication 4, dans lequel lesdites deux surfaces sont parallèles entre elles au moins localement et se déplacent l'une par rapport à l'autre en maintenant leur distance constante. 6. Procédé selon l'une des revendications précédentes, comportant également une opération préalable de régénération thermique de ladite ou chaque surface ultra-mouillante.

7. Procédé selon l'une des revendications précédentes, comportant également une étape consistant à mettre ladite ou chaque surface ultra-mouillante en contact avec une source chaude extérieure.

8. Dispositif de refroidissement comportant : une première surface (S-ι) sur laquelle est déposé un film fluide (L), ladite surface étant ultra-mouillante par rapport au fluide constituant ledit film ;

des moyens (M) pour induire un écoulement non turbulent dudit fluide au-dessus de ladite surface, avec un taux de cisaillement suffisamment faible pour que soit satisfaite une condition de non-glissement entre le fluide et la surface.

9. Dispositif selon la revendication 8, comportant également des moyens pour coupler thermiquement ladite surface solide avec une source chaude extérieure.

10. Dispositif selon l'une des revendications 8 ou 9, dans lequel ledit film liquide présente une épaisseur comprise entre 100 pm et 5 cm. 11. Dispositif selon l'une des revendications 8 ou 9, dans lequel ledit film liquide présente une épaisseur comprise entre 500 pm et 1 cm.

12. Dispositif selon l'une des revendications 8 à 11 comportant également une deuxième surface (S2), elle aussi, ultra-mouillante par rapport audit liquide, coopérant avec ladite première surface pour confiner ledit film liquide.

13. Dispositif selon la revendication 12, dans lequel lesdites surfaces sont parallèles entre elles, au moins localement, ledit dispositif comportant également des moyens d'actionnement (M) pour induire un déplacement relatif desdites surfaces tout en maintenant leur distance constante.

Description:
PROCEDE ET DISPOSITIF DE PRODUCTION DU FROID

L'invention porte sur un procédé pour la production du froid et sur un dispositif de mise en uvre d'un tel procédé.

Le procédé et le dispositif de l'invention permettent d'obtenir des abaissements de température compris entre une fraction de degré centigrade et plusieurs degrés centigrades, et cela à l'échelle macroscopique, microscopique voire nanométrique. L'invention convient donc à une grande variété d'applications, comprenant le génie climatique (conditionnement de l'air), le génie des procédés, le refroidissement des composants électroniques, etc.

Plusieurs techniques de production du froid sont connues à ce jour. Les plus courantes exploitent l'évaporation d'un liquide ou la détente d'un gaz, qui sont des transformations endothermiques. On connaît également le refroidissement thermoélectrique, basé sur l'effet Peltier, et la réfrigération magnétique exploitant l'effet magnétocalorique.

La présente invention exploite un effet physique nouvellement découvert : la production de froid par déplacement d'un liquide sur une surface ultra-mouillante. Ce phénomène, qui a été démontré expérimentalement, est contraire à ce qui est théoriquement attendu puisque l'écoulement d'un liquide sur une surface est supposé ne produire qu'un échauffement par friction [1 , 2].

L'écoulement est défini comme le mouvement d'un fluide par rapport à un espace défini. Un profil d'écoulement peut être décrit au moyen d'un champ de vitesses. Un champ de vitesses non uniforme s'accompagne d'un cisaillement ; plus précisément, en chaque point du volume occupé par le fluide on définit le taux de cisaillement y comme le gradient de la vitesse du fluide en ce point (plus précisément, étant donné que la vitesse est une grandeur vectorielle, γ est donné par le module de la divergence du champ de vitesse ; toutefois, le terme « gradient » est utilisé conventionnellement en mécanique des fluides). L'écoulement d'un fluide sur une surface ultra- mouillante s'accompagne toujours d'un cisaillement, en raison de l'adhésion du fluide à la surface.

Un objet de l'invention est donc un procédé de production du froid, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes consistant à : 2 T/IB2013/054946 mettre un fluide en contact avec au moins une surface ultra- mouillante ; et

provoquer un écoulement non turbulent dudit fluide au- dessus de ladite surface, avec un taux de cisaillement suffisamment faible pour que soit satisfaite une condition de non-glissement entre le fluide et la surface.

Le fluide peut être un liquide newtonien, mais également un fluide viscoélastique, et plus généralement de tout fluide « condensé » (c'est-à- dire autre qu'un gaz ou une vapeur). Il ne peut pas s'agir d'un gaz ou vapeur car dans ce cas la notion de mouillabilité n'aurait pas de sens. Dans la suite, dans un souci de simplicité, le terme « liquide » sera généralement utilisé pour désigner tout fluide condensé.

La surface peut notamment être solide, mais cela n'est pas essentiel. Il peut également s'agir d'une interface avec un matériau spongieux (mousse, liquide ou solide) ou mou, voire avec un autre fluide immiscible avec celui qui s'écoule.

La notion d'écoulement turbulent est connue en mécanique des fluides. De manière générale, un écoulement non turbulent est appelé « laminaire » et caractérisé par un nombre de Reynolds Re inférieur à 2000. Toutefois, en raison des particularités de l'interaction fluide/surface ultra- mouillante, il ne serait pas tout à fait exact de parler de « écoulement laminaire » ; cette expression ne sera donc pas utilisée ici.

Selon différents modes de réalisation du procédé de l'invention :

Ledit fluide peut former un film d'épaisseur comprise entre 100 pm et 5 cm, et de préférence entre 500 pm et 1 cm.

Ledit écoulement peut être confiné entre au moins deux surfaces ultra-mouillantes. De préférence, lesdites deux surfaces peuvent être parallèles entre elles au moins localement (car elles ne doivent pas nécessairement être planes) et se déplacer l'une par rapport à l'autre en maintenant leur distance constante. Par exemple, il peut s'agir d'un mouvement de rotation autour d'un axe perpendiculaire aux deux surfaces. T/IB2013/054946

Le procédé peut comporter également une opération préalable de régénération thermique de ladite ou chaque surface ultra- mouillante.

Le procédé peut comporter également une étape consistant à mettre ladite ou chaque surface ultra-mouillante en contact avec une source chaude extérieure, c'est-à-dire un corps à refroidir ayant une température initiale (au moment de la mise en contact) supérieure à celle de la surface et/ou dégageant de la chaleur ; il peut s'agir par exemple de l'air ambiant, de l'eau dans une fontaine d'eau potable, d'un circuit électronique, etc.

Un autre objet de l'invention est un dispositif de refroidissement comportant :

une première surface sur laquelle est déposé un film fluide, ladite surface étant ultra-mouillante par rapport au fluide constituant ledit film ;

des moyens pour induire un écoulement non turbulent dudit fluide au-dessus de ladite surface, avec un taux de cisaillement suffisamment faible pour que soit satisfaite une condition de non-glissement entre le fluide et la surface.

Selon différents modes de réalisation du dispositif de l'invention :

- Le dispositif peut comporter également des moyens pour coupler thermiquement ladite surface solide avec une source chaude extérieure (ailettes, colle conductrice de chaleur, etc.).

Ledit film liquide peut présenter une épaisseur comprise entre 100 Mm et 5 cm et de préférence entre 500 pm et 1 cm.

- Le dispositif peut comporter également une deuxième surface, elle aussi, ultra-mouillante par rapport audit liquide, coopérant avec ladite première surface pour confiner ledit film liquide. De préférence, lesdites deux surfaces peuvent être parallèles entre elles au moins localement (car elles ne doivent pas nécessairement être planes) et ledit dispositif peut comporter également des moyens d'actionnement pour induire un déplacement relatif desdites surfaces tout en maintenant leur distance constante (par exemple, un moteur mettant l'une des surface en rotation autour d'un axe). D'autres caractéristiques, détails et avantages de l'invention assortiront à la lecture de la description faite en référence aux dessins annexés donnés à titre d'exemple, dans lesquelles:

La figure 1 illustre les notions de mouillage et d'angle de contact ;

Les figures 2A et 2B illustrent deux types d'écoulement pouvant être utilisés pour mettre en œuvre l'invention, ainsi que la notion de taux de cisaillement ;

Les figures 3A-3B et 4A - 4B illustrent des résultats expérimentaux démontrant l'effet physique nouvellement découvert et qui est à la base de la présente invention ;

Les figures 5A - 5B illustrent, à titre de comparaison, des résultats expérimentaux montrant que l'écoulement d'un liquide sur une surface partiellement mouillante engendre un échauffement ;

- Les figures 6A - 6C et 7A - 7C illustrent l'effet d'un décrochage entre le liquide et la surface par effet d'un taux de cisaillement excessif ; et

Les figures 8A - 8C illustrent différents modalités de mise en œuvre de l'invention.

Le mouillage exprime la capacité d'un liquide L à s'étaler sur une surface solide S. Cette capacité est quantifiée par l'angle de contact Θ, compris entre la tangente à une goutte de liquide posée sur une surface et la surface elle-même, comme représenté sur la figure 1. Plus l'affinité du liquide avec la surface est élevée, plus cet angle est petit ; à la limite, lorsque l'angle de contact est nul (6=0), on parle de mouillage total, ou de surface ultra- mouillante. Dans ce cas, on ne peut plus distinguer la surface S de la partie liquide L à l'échelle macroscopique : le liquide progresse en formant un film dit « moléculaire » en amont de la goutte, d'une épaisseur de l'ordre du micron. Ce film moléculaire est spécifique au mouillage total ; lorsque le mouillage n'est pas total, en effet, la progression de la goutte s'arrête, formant un front franc entre une partie mouillée et une partie sèche de la surface S, et l'angle de contact n'est pas nul. La mouillabiiité traduit l'affinité des molécules du liquide par rapport à la surface. Ce paramètre est directement lié à la propension du liquide à glisser sur la surface ; en d'autres termes, un liquide glisse d'autant moins sur une surface que la mouillabiiité de cette dernière est élevée.

Plusieurs surfaces différentes peuvent présenter des propriétés de mouillage total (ou d'ultra-mouillabilité, ce qui est équivalent) par rapport à un ou plusieurs liquides : il peut s'agir d'oxydes, de nitrures, de métalloïdes comme le silicium ou germanium, mais également de compositions à base d'oxydes, de carbures, de nitrures, silicates ou de fluorures, sous forme frittée poreuse comme la zéolite, ou non-poreuse, cristal ou en traitement de surface. On peut citer plus particulièrement les surfaces présentant une structure rhomboédrique ou trigonale, comme le saphir (AI 2 O 3 ), le chrome trivalent et l'oxyde de fer phase a ; en effet, une telle structure est très dense et présente un caractère amphotère, alternant un site acide (ou anion, comme l'oxygène) et un site basique (ou cation, par exemple aluminium, fer, chrome). On peut également obtenir un mouillage total en associant une surface acide (par exemple, à base de SiO 2 fritté, où les anions sont majoritaires) et un liquide basique (par exemple, glycérol), ou vice-versa.

Outre sa nature chimique, la rugosité d'une surface intervient également dans la détermination de ses propriétés de mouillage. En effet, la rugosité tend à augmenter la surface de contact entre solide et liquide, donc à améliorer le mouillage ; mais cela n'est vrai que si le liquide peut effectivement pénétrer dans les interstices entre les aspérités. On sait que, d'une manière générale, cette condition est satisfaite pour des rugosités modérées (inférieures à Ra=3,2 pm - Ra étant la rugosité arithmétique définie par la norme NF R 05- 515) et/ou lorsque l'écartement des aspérités est inférieure ou égale à leur hauteur. Ainsi, de manière préférentielle, la rugosité arithmétique de la surface ou interface sur laquelle a lieu l'écoulement sera comprise entre 0,1 et 3,2.

En outre, il faut considérer qu'une surface laissée à l'air libre absorbe des molécules (eau, oxygène, composés organiques) qui affectent sa mouillabiiité. Ainsi, les surfaces utilisées pour la mise en œuvre de l'invention devront généralement subir une étape de régénération, par exemple par chauffage à une température supérieure ou égale à 450 °C (voir davantage, si la surface est contaminée par des polluants inorganiques) pendant 5 minutes ou plus, avant d'être mises en contact avec le liquide (ou plus généralement le fluide). Cette mise en contact devra être effectuée rapidement après la régénération, ou alors la surface régénérée doit être conservée en une atmosphère sèche saturée en un gaz neutre tel que l'argon, et/ou à une température supérieure à 150°C. Les présents inventeurs ont vérifié qu'une surface d'alumine visuellement propre, prélevée d'une étagère à l'air libre, présente une mouillabilité partielle vis-à-vis de l'eau et ne convient donc pas à la mise en œuvre de l'invention, tandis que la même surface s'avère ultra- mouillante après régénération à 400°C et le reste après un stockage de plusieurs mois à 150°C.

Comme cela a été évoqué plus haut, les présents inventeurs ont découvert que l'écoulement d'un liquide sur une surface ultra-mouillante produit - dans certaines conditions - un refroidissement du liquide et/ou de la surface. Bien qu'une théorie quantitative n'ait pas encore été élaborée, cet effet peut être relié à une autre découverte récente, à savoir l'identification de propriétés élastiques sous cisaillement dans les liquides. A ce propos, il convient de rappeler que les liquides sont habituellement considérés quasiment incompressibles et inextensibles, et dépourvus d'élasticité de cisaillement. Or, des études récentes [3 - 6] ont montré que cela n'est pas exact, et que des liquides considérés purement visqueux présentent en réalité une élasticité de cisaillement non-nulle, même loin de toute transition de phase. Lorsqu'un liquide est déposé sur une surface ultra-mouillante, il s'y accroche ; si l'on y applique une contrainte extérieure pour induire un écoulement, le liquide subit une déformation mécanique qui sollicite ses propriétés élastiques, ce qui conduit à une absorption d'énergie, et donc - vraisemblablement - au refroidissement observé.

Comme mentionné plus haut, l'écoulement ne doit pas être turbulent (Re=V e/v<2000, où V est la vitesse maximale d'écoulement du fluide, à distance de la surface ultra-mouillante, v sa viscosité cinématique, rapport entre la viscosité dynamique et la masse volumique, et e l'épaisseur de l'écoulement), car les turbulences sont génératrices de chaleur par friction. De même, il est préférable que le mouvement du fluide s'effectue en un seul sens ; en effet, en régime oscillant, les inversions du mouvement provoquent l'apparition d'une couche de glissement du fluide sur la surface/interface (autophobicité) qui est siège d'un échauffement et limite, voire annule, l'effet de refroidissement recherché.

Le refroidissement sera efficace si l'écoulement reste dans la zone dite de couche limite, pour laquelle l'interaction du liquide avec la(les) surface(s) est significative, c'est-à-dire la zone dans laquelle le cisaillement a lieu. Plus précisément, l'épaisseur de l'écoulement ne devrait pas dépasser quelques millimètres, voire centimètres.

L'épaisseur δ de la couche limite - et donc l'épaisseur admissible de l'écoulement - dépend de la viscosité du liquide, de sa vitesse d'écoulement et de la force d'interaction avec la surface. Une forte viscosité et un fort ancrage (toujours présent en cas de mouillage total) augmentent l'épaisseur de la couche limite. Si le fluide est peu visqueux, les différentes couches d'écoulement sont plus indépendantes : l'épaisseur de la couche limite est réduite, le gradient de vitesse augmente plus rapidement avec la distance à la surface et le taux de cisaillement est donc plus élevé.

Le taux de cisaillement γ, défini plus haut est un paramètre important. En effet, en l'absence de cisaillement il n'y a pas de production de froid. Pour des taux de cisaillement modérés, la production de froid croît avec le taux de cisaillement ; mais lorsque ce dernier dépasse une valeur critique, il se produit un décrochage entre le liquide et la surface, qui empêche la production de froid et induit, au contraire, un échauffement par friction. La valeur critique du taux de cisaillement dépend fortement du couple liquide/surface et des propriétés physiques du liquide lui-même.

La viscosité cinématique du liquide influence la production de froid de plusieurs façons : elle détermine l'épaisseur maximale admissible de l'écoulement (par l'intermédiaire de l'épaisseur de la couche limite) et sa vitesse maximale avant transition vers le régime turbulent. De manière plus directe, il a été observé que, pour un taux de cisaillement constant, la production de froid est d'autant plus importante que la viscosité du liquide est élevée. Cela ne signifie pas pour autant qu'il soit toujours avantageux d'utiliser des liquides très visqueux : comme mentionné plus haut, l'eau supporte des taux de cisaillement très élevés sans décrochage avec la surface ultra-mouillante, ce qui compense largement sa faible viscosité.

L'effet à la base de l'invention peut être observé pour tout fluide autre qu'un gaz ou une vapeur (fluide condensé), car il se base d'une part sur l'accrochage du fluide à la surface ultra-mouillante, d'autre part sur les forces d'interaction intermoléculaire, qui existent nécessairement dans tout fluide condensé. Toutefois, il est très préférable que l'invention soit mise en œuvre en utilisant un fluide homogène, tant physiquement que chimiquement. En effet, les suspensions, solutions et mélanges, y compris des mélanges de polymères de masse moléculaire différente, peuvent présenter une migration préférentielle de l'un des éléments sur la surface ultra-mouillante, inactivant alors celle-ci par dépôt d'une couche superficielle.

Les propriétés de la surface autres que celles influençant sa mouillabilité (nature chimique, état de propreté, rugosité...) ne jouent pas un rôle direct dans la production du froid. Ses propriétés thermiques, par contre, déterminent la répartition du froid produit. Ainsi, si l'on souhaite uniquement refroidir le liquide, on utilisera de préférence une surface thermiquement isolante ; inversement, une surface thermiquement conductrice sera privilégiée afin de refroidir un substrat ou plus généralement une source chaude ou un échangeur thermique relié thermiquement à ladite surface. Il est également possible de réaliser la surface ultra-mouillante sous la forme d'une couche mince déposée sur un substrat choisi en raison de ses propriétés thermiques, par exemple présentant une capacité thermique élevée pour servir de réservoir de chaleur.

En outre, la production du froid étant proportionnelle à l'étendue de la surface en contact avec le liquide, il peut être avantageux d'utiliser une surface microstructurée. Encore faudra-t-il que la distance entre le « sommets » de la micro-structuration soit supérieure à la différence de altitude entre « sommets » et « vallées » pour ne pas affecter le mouillage, comme expliqué plus haut.

La figure 2A illustre le cas du cisaillement simple, où le liquide L est confiné entre deux surfaces ultra-mouillantes Si et S 2 , et l'écoulement est provoqué par le déplacement en translation de l'une de ces surfaces (S 2 ) par rapport à l'autre (Si) qui reste immobile. Dans cette géométrie, la vitesse croit linéairement avec la distance Z mesurée depuis la surface Si, et le taux de cisaillement y est défini comme le rapport de la vitesse v à l'épaisseur cisaillée e : y =

Dans le cas de la figure 2B, les deux surfaces Si et S 2 se présentent sous la forme de disques coaxiaux de rayon R dont un (S 2 ) mis en rotation avec une vitesse angulaire a par un moteur électrique M tandis que l'autre (S-i) est fixe. A une distance r≤R de l'axe de rotation, perpendiculaire aux deux disques, on retrouve une condition de cisaillement simple avec un taux de cisaillement qui vaut : y = ^ a ' r V e . Sur la tranche (surface latérale du cylindre liquide L compris entre les deux disques) on a y = <« · «>/_ .

L'effet de production du froid à la base de la présente invention a été démontré expérimentalement en utilisant la configuration de la figure 2B et en observant le liquide sur la tranche, c'est-à-dire dans le plan contenant à la fois la vitesse et le gradient de vitesse, au moyen d'une caméra infrarouge équipée d'un objectif grossissant qui permet d'atteindre la limite de résolution spatiale : 1 pixel = 9,8 μπ\ et une précision relative de ±0,01 °C. Les résultats obtenus peuvent être extrapolés sans difficulté au cas de la configuration de la figure 2A, car il est connu que la rotation d'un disque coaxialement à un autre est un moyen pratique de réaliser un cisaillement simple.

La figure 3A présente la cartographie thermique obtenue en soumettant au cisaillement une couche de fondu de polymère (polybutadiène de masse moléculaire moyenne Mw =47000 g. mol "1 , température de transition vitreuse Tg= -1 10 o C, viscosité η¾1300 Pa s) de 1 mm d'épaisseur, confinée à température ambiante entre deux surfaces ultra-mouillantes en alumine de Ra=1 ,6pm. Le taux de cisaillement est très faible, (y =1 s "1 ), et appliqué pendant seulement 30 s. Cela est néanmoins suffisant pour produire un refroidissement d'environ 0,25 °C, comme le montre le profil de température reproduit sur la figure 4B. Le taux de refroidissement obtenu est donc d'environ 0,5 °C/min, ce qui est loin d'être négligeable. Cette valeur est elle-même sous-estimée compte tenu de la distance entre l'objectif de la caméra et la surface, et d'autre part, compte tenu que la détection est réalisée par rapport à la surface tangentielle du liquide et non dans son volume.

Les polymères présentent l'avantage de ne pas s'évaporer car ils ne possèdent pas de tension de vapeur. D'autre part, leurs propriétés d'adhésion et leur forte viscosité sont des paramètres très intéressants qui permettent d'obtenir de bons rendements endothermiques à faible taux cisaillement.

Les figures 4A et 4B montrent la cartographie thermique et le gradient de température obtenus en soumettant à un faible cisaillement (y=20s "1 ) pendant 30 secondes une couche d'eau de 0,3 mm d'épaisseur confinée entre deux surfaces ultra-mouillantes en céramique. Les surfaces utilisées sont en alumine frittée haute densité, contenant 97% d'alumine et une rugosité Ra=1 ,6pm. On observe un refroidissement de 0,4 °C environ, donc un taux de refroidissement de l'ordre de 0,8 °C/min.

Dans les deux cas, le refroidissement est généré à des taux de cisaillement faibles, de l'ordre de 20s "1 pour l'eau et de la seconde "1 pour les polymères. Ces échelles de temps ne correspondent pas aux temps de relaxation propre des molécules (de l'ordre de 10 "3 s pour les fondus de polymères et de l'ordre de la picoseconde pour l'eau), démontrant l'origine collective du phénomène qui, comme cela a été évoqué plus haut, peut être attribué l'élasticité de cisaillement récemment identifiée dans les liquides [3 - 6]. Dans cette géométrie, on notera que le phénomène de refroidissement se produit typiquement pour des vitesses à la paroi (là où elle est maximale) de l'ordre du millimètre/seconde pour les fluides visqueux (fondus de polymères), et de l'ordre de 6mm/s pour l'eau.

Un essai comparatif a été réalisé en soumettant à un faible cisaillement (y=1 s "1 ) un échantillon de polymère fondu (polybutadiène de masse M =47000g.mol "1 , Tg= -1 10°C, viscosité η« 1300 Pa-s, épaisseur 1 mm) confiné entre deux surfaces partiellement mouillantes (Θ ≡ 20°, Ra=0,02 pm) en quartz. Comme le montrent les figures 5A (cartographie thermique) et 5B (profil de température dans une direction perpendiculaire aux surfaces ; la température initiale était de 23,3 °C), dans ces conditions il se produit un échauffement d'environ 0,2°C. On notera que les surfaces ultra-mouillantes de type alumine présentent une faible conductibilité thermique (typiquement 2 W/m °C pour l'alumine frittée haute densité), mais une capacité thermique importante (900J/Kg/K). Cette faible conductivité permet tout de même le transfert thermique. Si on compare avec d'autres surfaces à faible conductivité thermique mais faiblement mouillantes comme les verres silicatés (1W/m °C pour une capacité de 720 J/kg/K - Figures 5A et 5B), le refroidissement n'a pas lieu, ce qui montre que la conductivité thermique de la surface n'est pas un paramètre pertinent et que le phénomène de refroidissement a bien pour origine ce qui se passe dans le liquide contraint.

Dans tous les cas considérés ici, initialement le liquide et les surfaces sont à l'équilibre thermique, donc à la même température, égale à celle de l'environnement.

Les figures 6A - 6C et 7A - 7C illustrent l'effet du décrochage entre la surface et le liquide en présence d'un taux de cisaillement trop élevé. Ces figures se rapportent au cas d'une huile caractérisée par une masse moléculaire moyenne de 20.000 et une viscosité dynamique de 90Pa.s, s'écoulant entre deux surfaces d'alumine écartées de 1 mm avec un cisaillement de 20 s *1 et 50 s "1 respectivement. Dans le premier cas, la résistance à l'écoulement, qui se mesure via la contrainte de cisaillement mesurée en Pascal, décroit initialement jusqu'à se stabiliser à une valeur non nulle (figure 6A), ce qui indique que le liquide résiste à l'écoulement et donc reste ancré à la surface. Dans ces conditions, la cartographie thermique (figure 6C) met en évidence une production de froid ; d'une façon plus quantitative, la figure 6B montre un profil de température dans la direction du cisaillement (perpendiculaire aux surfaces), la ligne pointillée indiquant la température initiale. Pour un taux de cisaillement de 50 s "1 , on observe une brusque chute de la résistance à l'écoulement, produite par un décrochage à l'interface liquide/surface ultra-mouillante (figure 7A). Dans ces conditions, la production de froid est remplacée par un échauffement conventionnel, dû à la friction (cartographie thermique de la figure 7C, profil de température de la figure 7B où la ligne pointillée correspond à la température initiale). Le fait que ce décrochage se produise pour y=50 s "1 est propre à chaque couple 1 2013/054946

/liquide/solide; par exemple, dans le cas de l'eau s'écoulant sur une céramique, il est possible d'atteindre des taux de cisaillement beaucoup plus élevés sans compromettre la condition de non-glissement à l'interface.

Concrètement, pour un couple surface/fluide donné, la vitesse maximale V de l'écoulement, mesurée à la distance la plus élevée de la surface, peut être limitée par la transition vers un régime turbulent (c'est typiquement le cas de l'eau sur la céramique) ou par le décrochage du fluide (c'est typiquement le cas de l'huile visqueuse considérée ci-dessus).

Plusieurs modes de réalisation de l'invention peuvent être envisagés.

En particulier, plusieurs matériaux peuvent être utilisés pour réaliser la ou les surfaces ultra-mouillantes en contact avec le liquide : oxydes, nitrures ainsi que des métalloïdes comme le silicium, germanium, des matériaux dont la composition comprend une structure rhomboédrique ou trigonale telle que le saphir (AI2O3), le chrome trivalent et l'oxyde de fer phase a, ainsi que des compositions à base d'oxydes, de carbures, de nitrures, silicates ou de fluorure, etc. Ces matériaux peuvent se présenter sous forme frittée ou cristalline, et être massifs ou former des revêtements superficiels. Comme expliqué plus haut, avant la première utilisation ou chaque réutilisation, ces surfaces doivent généralement être régénérées par chauffage.

De même, plusieurs liquides différents peuvent être utilisés : eau, liquides organiques (isopropanol, glycérol, polypropylène-glycol, etc.), polymères fondus, huiles organiques et minérales, hydrocarbures, solutions micellaires, gaz liquéfiés, métaux liquides et tous les produits issus de la combinaison de ces éléments. Il est entendu, que le choix du liquide et du matériau de la ou des surfaces ne sont pas indépendants.

L'écoulement peut être obtenu soit en déplaçant le matériau ultra-mouillant en interaction avec le fluide (comme dans les exemples de réalisation illustrés plus haut), soit en entraînant le liquide par exemple au moyen d'une pompe à circulation, d'une pompe d'aspiration, d'un vortex voire de la gravité (écoulement en pente).

Il n'est pas nécessaire d'imposer un écoulement continu car, par exemple, un écoulement puisé est également générateur de froid (mais un fonctionnement alternatif, ou oscillant, doit de préférence être évité, comme expliqué plus haut). De même, il n'est pas nécessaire de confiner le liquide entre deux surfaces ; la production de froid peut également être obtenue par écoulement d'une couche de liquide sur une surface unique. On peut même envisager de forcer l'écoulement d'un liquide à travers les pores d'un matériau ultra-mouillant poreux.

Les figures 8A - 8C illustrent différentes géométries d'écoulement pouvant convenir à la mise en oeuvre de l'invention : écoulement dans un tuyau ultra-mouillant (8A), sur une plaque structurée formant un « labyrinthe » avec un fonde et/ou des parois en matériaux ultra-mouillant (8B), écoulement entre des plots en matériau ultra-mouillants, ou recouverts d'un tel matériau (8C).

L'invention a été testée à température ambiante et à l'échelle macroscopique, mais elle peut également être mise en œuvre à l'échelle micrométrique au sein d'un dispositif microfluidique, voire sub-micrométrique (« nanométrique ») en utilisant par exemple des nano-pores d'alumine et/ou à basse température, par exemple en utilisant l'écoulement d'un liquide cryogénique.

L'invention se prête en outre à plusieurs applications différentes : adjonction à des échangeurs thermiques ou climatiseurs pour en améliorer le rendement, séparation de substances chimiques miscibles ayant une température de solidification différente, notamment dans les procédés de raffinage pétrochimique, refroidissement de circuits électronique, refroidissement de la jonction chaude d'un système Peltier, etc ...

Références

1. « Hydrodynamique Physique », E. Guyon, J.P. Hulin, L. Petit, EDP Sciences, 2001.

2. J.F. Kincaid, H. Eyring et A.E. Strearn, Chem. Rev., 28

(1941) 301.

3. « Solid-like rheological response of non-entangled polymers in the molten state", H. Mendil, P. Baroni, L. Noirez, Euro. Phys. J. E, FOCUS POINT 19 (2006) 77. 4. « The missing parameter in rheology: Hidden Solid-like Corrélations in Liquid Polymers and Glass Formers », L. Noirez, P. Baroni, H. Mendil-Jakani, Polymer International 58 (2009) 962.

5. « Revealing the solid-like nature of Glycerol at ambient température" L. Noirez, P. Baroni, J. of Molecuiar Structure, 972 (2010) 16.

6. « Identification of finite shear-elasticity in the liquid state of molecuiar (OTP) and polymeric glass formers (PBuA)"L. Noirez, H. Mendil- Jakani, P. Baroni, Philosophical Magazine 91 (2011) 1977-1986.