La présente invention concerne un procédé pour produire une forme tridimensionnelle à partir de pièces assemblées ayant des caractéristiques d'élasticités distinctes. Elle vise également un système mettant en œuvre ce procédé, ainsi que des articles de maroquinerie, tels que des sacs et plus généralement des objets tridimensionnels réalisés à partir de ce procédé. L'invention s'applique particulièrement, mais non exclusivement, aux articles de maroquinerie ou objets tridimensionnels au moins en partie réalisés en cuir.

Le domaine de l'invention est celui de l'industrie de la transformation de matériaux sensiblement plats aux fins de réaliser des formes tridimensionnelles. Dans la présente demande, le terme « forme » est à considérer non seulement au sens propre (forme géométrique), mais il désigne également, de manière figurée, un objet ou un ensemble ayant les propriétés géométriques évoquées (produire une « forme tridimensionnelle »).

Considérons le domaine de la maroquinerie, qui nous intéresse particulièrement. Actuellement, lorsqu'un maroquinier souhaite réaliser un sac en cuir présentant une forme tridimensionnelle, il est actuellement contraint d'utiliser des pièces spécifiques de structure ou d'armature, pour constituer une sorte de charpente du sac sur la base de laquelle des pièces de cuir vont être assemblées et maintenues selon une forme souhaitée. Les pièces de structure ou d'armature conditionnent la forme définitive du sac. Il en résulte une complexité de réalisation (multiplicité des éléments, assemblage, etc.) et donc des surcoûts. Par ailleurs, une fois le sac assemblé et mis en forme, il est peu aisé d'obtenir des variations de formes, s'écartant légèrement d'une forme nominale prédéfinie, en raison de la présence des pièces de structure ou d'armature qui s'oppose aux déformations. Or il peut être utile de pouvoir aisément déformer un sac ayant une forme nominale prédéfinie, pour des raisons d'encombrement, de rangement etc., tout en lui conservant la possibilité de reprendre sa forme nominale initiale. Le but de la présente invention est de proposer un procédé permettant d'obtenir une forme tridimensionnelle, qui n'implique pas l'emploi de pièces de structure ou d'armature spécifiques.

Cet objectif est atteint avec un procédé pour produire une forme tridimensionnelle à partir de deux pièces assemblées ayant des caractéristiques d'élasticité distinctes, comprenant les étapes suivantes :

- une mise en tension et un maintien en tension de la pièce, dite déformante, ayant les caractéristiques d'élasticité les plus élevées,

- un collage de la pièce, dite structurante, ayant les caractéristiques d'élasticité les plus faibles, sur la pièce déformante maintenue en tension,

- une suppression de la tension exercée sur la pièce déformante, qui exerce alors des contraintes sur la pièce structurante, de manière à déformer cette dernière et à obtenir la forme tridimensionnelle souhaitée.

Ainsi, avec le procédé selon l'invention, on peut obtenir une forme tridimensionnelle d'équilibre présentant à la fois des caractéristiques de tenue et de souplesse. La tenue est due aux propriétés auto-porteuses de la pièce structurante, qui constitue le corps même de la forme tridimensionnelle. La pièce structurante présente toutefois une certaine souplesse, et se prête à des déformations, essentiellement en flexion. Dans une version particulière de l'invention, on utilise dans le procédé des pièces structurantes et déformantes réalisées dans des nappes ou des peaux, ayant des épaisseurs réduites relativement à leurs autres dimensions.

Dans une autre version de l'invention, le procédé comprend en outre une étape de découpe de l'une au moins des deux pièces après obtention de la forme tridimensionnelle.

Dans une autre version de l'invention, le procédé comprend en outre une étape de découpe de l'une au moins des deux pièces préalablement à la mise en tension de la pièce déformante. L'étape de collage comprend une pulvérisation d'une colle présentant des caractéristiques de résistance à l'humidité, sur la pièce structurante et sur la pièce déformante.

On peut avantageusement prévoir une délimitation de zones de la pièce structurante à encoller. On peut utiliser dans le procédé selon l'invention une pièce structurante en cuir.

L'invention a également pour objet un procédé d'assemblage d'au moins deux pièces structurantes, préalablement mises en forme par un procédé ayant tout ou partie des caractéristiques précédentes.

Suivant un autre aspect de l'invention, il est proposé un système pour produire une forme tridimensionnelle à partir de deux pièces assemblées ayant des caractéristiques d'élasticité distinctes, le système comprenant :

- des moyens pour mettre en tension la pièce, dite déformante, ayant les caractéristiques d'élasticité les plus élevées et pour maintenir cette tension pendant une durée de tension déterminée,

- des moyens pour coller la pièce, dite structurante, ayant les caractéristiques d'élasticité les plus faibles, sur la pièce déformante maintenue en tension, la désactivation des moyens de maintien en tension de la pièce déformante permettant de produire une forme tridimensionnelle.

Le système selon l'invention comprend en outre des moyens pour découper au moins l'une des deux pièces après obtention de la forme tridimensionnelle. Le système selon l'invention comprend en outre des moyens pour découper au moins l'une des deux pièces préalablement à la mise en tension de la pièce déformante.

Selon l'invention, on utilise dans le système une pièce structurante en cuir. L'invention a encore pour objet un système d'assemblage d'au moins deux pièces structurantes, comprenant des moyens pour assembler des pièces structurantes préalablement mise en forme par un système ayant tout ou partie des caractéristiques précédentes.

Suivant encore un autre aspect de l'invention, il est proposé un article de maroquinerie, tel qu'un sac, dont au moins une partie est réalisée à partir d'un assemblage d'une pièce déformante, et d'une pièce structurante, notamment en cuir, et mise en forme de manière tridimensionnelle par un procédé ayant tout ou partie des caractéristiques détaillées précédemment. Selon l'invention, il est également proposé un objet tridimensionnel, dont au moins une partie est réalisée à partir d'un assemblage d'une pièce déformante, et d'une pièce structurante, notamment en cuir, et mise en forme de manière tridimensionnelle par un procédé ayant tout ou partie des caractéristiques détaillées précédemment.

D'autres avantages et caractéristiques de l'invention apparaîtront à l'examen de la description détaillée d'un mode de mise en œuvre nullement limitatif, et des dessins annexés sur lesquels :

- la figure 1 illustre les différentes étapes du procédé de réalisation selon l'invention ; et

- la figure 2 est une vue en coupe de l'enveloppe complexe obtenue avec le procédé selon l'invention.

On va maintenant décrire, en référence à la figure 1, les différentes étapes du procédé de production selon l'invention, en même temps que les moyens techniques mis en œuvre dans ce procédé.

Sont destinées à être assemblées dans le procédé suivant l'invention, deux pièces formant des peaux, nappes ou couches, en ce sens qu'elles présentent une épaisseur réduite relativement à leurs autres dimensions. Les deux pièces ont des caractéristiques d'élasticité distinctes. On nommera « pièce déformante » la pièce ayant les caractéristiques d'élasticité les plus grandes, et « pièces structurante » la pièce ayant les caractéristiques d'élasticité les plus faibles, en raison de leur fonction respective dans l'assemblage à réaliser.

La pièce structurante peut typiquement être en cuir. On recherche particulièrement pour cette pièce structurante des propriétés de tenue mécanique et de rigidité, essentiellement en traction / compression dans le plan de sa surface (lorsqu'elle est à plat) ou dans les directions tangentes à celle-ci. La pièce structurante résiste également à la déformation sous l'effet de contraintes exercées perpendiculairement à sa surface. En revanche, on recherche pour cette pièce structurante une relativement grande aptitude à la flexion. La pièce structurante présente ainsi des qualités combinées de résistance mécanique transversale et de souplesse du matériau. Ces notions de tenue mécanique, de résistance et de rigidité, sont à considérer de manière relative à la pièce déformante, qui présente en comparaison des caractéristiques d'élasticité supérieures à la pièce structurante.

On a tout d'abord préparé et découpé une pièce déformante 1 telles que du « Bengaline Lycra® » ou à base d'élastane®. Cette pièce déformante constituera une doublure, qui peut avoir été tissée avec des motifs décoratifs ou de fantaisie.

Dans une première étape (I), la pièce déformante 1 est préalablement découpée selon un gabarit prédéterminé en fonction de la forme tridimensionnelle recherchée, c'est-à-dire en fonction de la déformation qu'elle devra provoquer sur la pièce structurante.

La pièce déformante 1 est ensuite disposée dans une machine de mise en tension comportant deux pièces mécaniques 10, 11 dans lesquelles sont insérée et bloqués des bords de la pièce 1 qui est maintenue en tension avec une force de tension F déterminée en fonction des caractéristiques de la pièce déformante utilisée (étape II) et notamment de son élasticité.

Cette force de tension F doit assurer une tension inférieure à la force de rupture de la pièce déformante. L'une des faces de la pièce déformante 1 est ensuite soumise à une application de colle par pulvérisation au moyen d'un équipement adapté 12 disposée face à la pièce déformante 1 (étape III). La colle utilisée est de préférence une colle puissante et présentant une sensibilité minimale aux conditions environnementales et en particulier aux taux d'humidité et aux variations de température. Elle ne doit pas être rétractable à l'eau et à la chaleur ; Elle peut être de type Néoprène® ou équivalent, mais devrait être de préférence respectueuse de l'environnement et de la santé.

Dans le même temps ou préalablement, on a préparé et découpé une pièce structurante 2 réalisée dans un matériau qui est typiquement du cuir ou un matériau analogue. Ce matériau constituera à la fois le corps et l'enveloppe extérieure de la forme tridimensionnelle. La pièce structurante est soumise (étape IV) sur l'une de ces faces destinées à être appliquée sur la pièce déformante, à une application de colle identique à celle utilisée pour encoller la pièce déformante 1. Dans le cas où la pièce structurante 2 est du cuir, l'application de la colle est réalisée de préférence sur la face dite « velours ».

La pièce déformante 1 et la pièce structurante 2 préalablement encollées sont ensuite superposées et collées (étape V), la pièce déformante 1 étant toujours maintenue en tension (étape V). Une fois que le temps de prise de la colle s'est écoulé, on supprime la force de tension F et on libère la pièce complexe 1+2 ainsi réalisée qui prend instantanément une forme galbée tridimensionnelle (étape VI). Etant affranchie de la force de tension F, la pièce déformante 1 qui était préalablement étirée se rétracte pour revenir vers sa forme nominale. Elle ne retrouve toutefois pas exactement sa forme initiale compte tenu de la résistance que lui oppose la pièce structurante 2. La courbure de la pièce complexe 1+2 est induite par la différence des forces de tension s'exerçant respectivement sur la pièce structurante 2 de caractéristique rigide, et sur la pièce déformante 1 de caractéristique élastique, et le fait que les deux pièces forment des couches 1,2 solidement collées l'une à l'autre. Compte tenu de la contrainte exercée par la pièce déformante 1 sur la pièce structurante 2, la forme galbée est telle que la pièce structurante 2 est située du côté convexe, tandis que la pièce déformante, est située du côté concave.

On notera par ailleurs, que la pièce structurante joue un rôle de ressort, lorsqu'elle travaille en flexion.

Cette pièce complexe 1+2 est ensuite complétée (étape VII) par l'assemblage d'autres pièces structurantes. Cet assemblage est réalisé par des techniques connues, telles que par couture, collage etc. Dans l'application particulière de la maroquinerie, où la pièce structurante 2 est en cuir, celle-ci prend par exemple une forme générale cylindrique, qui est complétée par d'autres pièces de cuir 22 fermant les extrémités du cylindre, de manière à constituer un sac 20. Des accessoires telles que des poignées 21 et des fermetures sont ensuite montés sur le sac 20.

Les étapes de réalisation qui viennent d'être décrites peuvent être automatisées à partir des techniques actuelles de fabrication industrielle. Les différents équipements utilisés pour la découpe, la mise en tension, l'encollage, le collage des couches, et l'assemblage, peuvent être pourvus de moyens de contrôle/commande numérique et au besoin robotisés. En particulier le matériau employé pour la pièce déformante, tel que du tissu, peut être un matériau standardisé, ce qui permet une certitude quant au résultat, c'est-à-dire l'obtention précise de la forme tridimensionnelle recherchée. On notera que le procédé est adapté non seulement à des petites mais également à des grandes surfaces de pièces structurante et déformante. La surface n'est en réalité par un facteur déterminant de la mise en œuvre. Dans l'application précitée à un article de maroquinerie, le sac 20 ainsi obtenu présente alors une forme tridimensionnelle permanente sans avoir nécessité d'inclure des pièces spécifiques de rigidification ou de maintien pour constituer une structure ou une armature. En référence à la figure 2, le maintien est réalisé directement par la couche de cuir 2 (pièce structurante) dont la fleur 23 constitue la face extérieure de l'enveloppe. La déformation a été provoquée par la couche de tissu 1 à propriétés élastiques (pièce déformante) dont une face va constituer la doublure du sac, une couche de colle 3 ayant été appliquée entre le velours de la couche de cuir 2 et la face en vis-à-vis de la couche de tissu 1. Un avantage de l'invention réside dans le fait que chacune des pièces structurante et déformante assure trois fonctions : une première fonction est mécanique, en terme de résistance (pour la pièce structurante) et de rétraction (pour la pièce déformante), afin d'obtenir la forme tridimensionnelle souhaitée. Une seconde fonction est de former conjointement une enveloppe pour un contenant (paroi du sac). Une troisième fonction est de constituer le style (rendu visuel, tactile) extérieur ou intérieur du sac. Il est remarquable que ces trois fonctions soient assurées uniquement par deux pièces accolées l'une à l'autre.

Bien sûr, l'invention n'est pas limitée aux exemples qui viennent d'être décrits et de nombreux aménagements peuvent être apportés à ces exemples sans sortir du cadre de l'invention.

En particulier, le procédé de production de formes tridimensionnelles pourrait être mis en œuvre hors du domaine de la maroquinerie, pour réaliser des objets à usage divers ou à vocation de créations industrielles. Les matériaux employés peuvent différer sensiblement de ceux décrits, pourvu que les matériaux des deux pièces assemblées présentes des caractéristiques d'élasticité distinctes.