La présente invention concerne un dispositif de suspension d'une turbomachine telle qu'un turboréacteur, à une partie d'un avion.

Classiquement, un turboréacteur comprend un alignement de plusieurs carters entourant d'amont en aval des compresseurs basse et haute pression, une chambre de combustion et une turbine haute et basse pression. L'extrémité aval du turboréacteur comprend un carter d'échappement des gaz brûlés dans la chambre de combustion. La surface externe de ce carter comprend des moyens de suspension ou d'accrochage du turboréacteur à une partie de l'avion. Ces moyens de suspension comprennent des chapes comportant chacune deux oreilles comportant des orifices alignés pour le passage d'un axe épaulé traversant entre les oreilles un organe de liaison à une partie de l'avion.

Pour maintenir l'axe épaulé à l'intérieur des orifices des oreilles de la chape, un écrou est vissé sur une extrémité de l'axe épaulé lequel comprend à l'opposé de l'écrou par rapport à la chape un rebord annulaire en saillie. L'écrou de fixation et le rebord annulaire forment des butées de retenue axiale de l'axe épaulé sur la chape. En fonctionnement, les faces externes des oreilles de la chape entrent en contact avec l'écrou et le rebord annulaire, ce qui induit une usure des faces externes des oreilles des chapes. Ces usures se traduisent sous la forme de rayures ou sillons formés sur les faces externes des oreilles.

Pour éviter l'usure des faces externes des oreilles, la demanderesse a déjà proposé dans le document FR2923460, d'intercaler une rondelle anti-rotation entre les faces externes des oreilles et l'écrou de fixation d'une part et le rebord annulaire d'autre part. Toutefois, en fonctionnement, les chapes transmettent des efforts de poussée vers l'avion et sont soumises à d'importantes vibrations et on observe que les rondelles n'assurent pas correctement leur fonction d'anti-rotation et subissent des déplacements répétés en rotation qui usent les faces externes des oreilles. Ce type de déplacement de la rondelle est connu sous le terme anglais de « fretting ».

Il est possible d'effectuer une réparation en réalisant une opération de toilage des faces externes usées des oreilles. Cette opération consiste à aplanir les faces externes des oreilles au moyen d'une pièce abrasive mise en contact rotatif avec les faces externes des oreilles. Toutefois, cette opération ne peut être réalisée qu'un nombre limitée de fois puisqu'elle se traduit par un enlèvement de matière des oreilles des chapes. Il en résulte une réduction de l'épaisseur des oreilles et donc de leur tenue mécanique, et une augmentation des jeux entre les oreilles et les butées. De plus, les faces des oreilles ainsi remises en état vont continuer à s'user en fonctionnement.

Cette opération de toilage nécessite une dépose de la turbomachine, ce qui augmente les temps d'immobilisation de celle-ci et donc les coûts d'exploitation pour l'avionneur. Enfin, il n'est possible de réaliser un toilage que pour des profondeurs d'usures relativement faibles et de l'ordre de 0,1 à 0,2 millimètre, ce qui impose une inspection régulière des oreilles des chapes pour pouvoir effectuer le toilage avant que l'usure ne soit trop importante. Pour des usures supérieures et de l'ordre de 0,5 millimètres, le carter doit être intégralement remplacé.

Un rechargement des faces externes des oreilles par dépôt TIG (« Tungsten Inert Gaz ») ou plasma n'est pas envisageable du fait des réglementations en vigueur.

L'invention a notamment pour but d'apporter une solution simple, économique et efficace à ces différents problèmes.

A cette fin, elle propose un dispositif de suspension d'un carter de turboréacteur comprenant un axe épaulé s'étendant dans des orifices alignés de deux oreilles d'une chape solidaire du carter, caractérisé en ce qu'une pièce de protection contre l'usure est montée sur chaque oreille de la chape et est traversée par l'axe épaulé, cette pièce étant immobilisée en rotation sur l'oreille par coopération de formes.

A la différence de la technique antérieure où les rondelles assuraient une anti-rotation par contact, les pièces de protection selon l'invention sont bloquées en rotation sur la chape par coopération de formes.

De telles pièces de protection contre l'usure peuvent être montées sur des oreilles d'un carter neuf ou d'un carter en service lors d'une opération de maintenance.

Les coûts d'exploitation de la turbomachine sont également réduits puisque les usures profondes nécessitant un remplacement de l'intégralité du carter sont évitées. Lorsqu'une pièce de protection est usée, il suffit de la remplacer et aucune intervention de maintenance n'est nécessaire sur le carter.

Selon une autre caractéristique, la pièce de protection comprend une paroi recouvrant une face externe de l'oreille et comportant un orifice de passage de l'axe épaulé, l'orifice de la paroi de la pièce ayant un diamètre inférieur à celui de l'épaulement de l'axe.

Selon encore une autre caractéristique de l'invention, la pièce comprend deux parois parallèles recouvrant chacune une face de l'oreille et une partie de liaison de ces deux parois, cette partie de liaison recouvrant le sommet de l'oreille.

Avantageusement, la partie de liaison est constituée par la paroi de fond d'une gorge annulaire ayant une forme complémentaire de celle du sommet de l'oreille. De cette manière, la paroi de fond de la gorge annulaire coopère avec le sommet de l'oreille pour immobiliser en rotation la pièce de protection.

Dans une réalisation particulière de l'invention, le sommet de l'oreille comprend au moins une partie circulaire sur laquelle est engagée la paroi de fond également de forme circulaire, les étendues angulaires de la paroi de fond et de la partie circulaire de l'oreille étant identiques.

Dans cette réalisation, les extrémités de la paroi de fond de la gorge annulaire réalisent des butées en rotation de la pièce de protection sur le sommet de l'oreille.

Les deux parois de la pièce de protection ont préférentiellement des étendues radiales différentes, celle de la paroi qui recouvre la face externe de l'oreille étant supérieure à celle de l'autre paroi qui se termine radialement en deçà de l'axe épaulé.

Selon une autre caractéristique de l'invention, ladite autre paroi comporte un bord périphérique interne incurvé concave entourant une partie d'un rebord annulaire de l'orifice de l'oreille traversé par l'axe épaulé.

L'invention concerne également une pièce de protection de la face externe d'une oreille d'une chape dans un dispositif de suspension tel que décrit précédemment, la pièce de protection comprenant deux parois parallèles reliées par une paroi de fond en forme de secteur de gorge annulaire, une première des parois parallèles comportant un orifice circulaire et l'autre étant dépourvue d'un tel orifice et ayant une étendue radiale inférieure à celle de la première paroi.

Avantageusement, la pièce de protection est réalisée par emboutissage d'une tôle d'épaisseur de l'ordre de 1 millimètre

D'autres avantages et caractéristiques de l'invention apparaîtront à la lecture de la description suivante faite à titre d'exemple non limitatif et en référence aux dessins annexés dans lesquels :

- la figure 1 est une vue schématique partielle en coupe d'un dispositif de suspension d'un carter de turboréacteur selon la technique antérieure ;

- la figure 2 est une vue schématique à plus grande échelle d'une chape de suspension du dispositif de la figure 1 ;

- la figure 3 est une vue schématique en perspective d'une chape comprenant deux pièces de protection contre l'usure dans un dispositif de suspension d'un carter de turboréacteur selon l'invention;

- la figure 4 une vue schématique selon un plan de coupe passant par l'axe de la chape de la figure 3 ;

- la figure 5 est une vue schématique en perspective de la pièce de protection des figures 3 et 4.

On se réfère tout d'abord à la figure 1 qui représente une partie d'un dispositif 10 de suspension d'un carter 12 d'une turbomachine telle qu'un turboréacteur à une partie d'un avion 14. Un tel dispositif de suspension 10 comprend plusieurs biellettes 16 dont une extrémité est reliée à une armature de suspension 18 accrochée à une partie de l'avion 14. L'autre extrémité de chaque biellette 16 est engagée entre deux oreilles 20, 22 d'une chape 24 formée sur la périphérie externe du carter du turboréacteur, tel qu'un carter d'échappement agencé en sortie d'une turbine basse pression et guidant l'éjection du flux des gaz chauds issus d'une chambre de combustion amont.

Chaque biellette 16 est articulée sur deux oreilles 20, 22 d'une chape par l'intermédiaire d'un axe épaulé 26 lequel traverse des orifices 28, 30 des oreilles 20, 22. Une douille 32 est engagée depuis l'intérieur de la chape 24 dans l'orifice 28, 30 de chaque oreille 20, 22. Chaque douille 32 comprend un rebord annulaire radial 34 appliqué sur la face interne d'une oreille 20, 22. La biellette 16 comprend un alésage au sein duquel est fixée, par sertissage, une cage 36 à surface interne sphérique. Une rotule 38 à surface externe sphérique est montée fixe sur l'axe épaulé 26, à l'intérieur de la cage 36.

L'axe épaulé 26 comprend une extrémité 41 de petit diamètre, sur laquelle est vissé un écrou de fixation 40. Cette extrémité 41 s'étend à l'extérieur de la chape et est reliée par un épaulement 42 à une partie intermédiaire 43 de l'axe, qui a un plus grand diamètre et qui est engagée dans les douilles 32 des orifices des oreilles de la chape 24. La partie intermédiaire 43 est reliée à un rebord d'extrémité 44 de l'axe, ce rebord ayant un diamètre supérieur à celui de la partie intermédiaire 43. Le rebord annulaire 44 et l'écrou 40 forment ainsi des butées de retenue axiale de l'axe 26 sur la chape 24. Un jeu de fonctionnement est prévu entre les faces externes des oreilles 20, 22 et l'écrou de fixation 40 d'une part et le rebord annulaire 44 d'autre part, de manière à éviter que la chape 24 ne soit soumise en fonctionnement à des efforts de flexion latérale.

En fonctionnement, les faces externes 46, 48 des oreilles 20, 22 sont soumises à des contacts répétés avec l'écrou de fixation 40 et le rebord annulaire 44, ce qui conduit à une usure de ces faces externes 46, 48.

L'invention propose donc de résoudre cette difficulté grâce à une pièce de protection 50 contre l'usure qui est immobilisée en rotation sur une oreille 52, 54 par coopération de formes (figure 3 à 5).

La figure 3 représente une chape de suspension d'un carter d'un turboréacteur comprenant une pièce de protection 50 contre l'usure montée sur chaque oreille 52, 54 de la chape.

Le sommet de chaque oreille de la chape comprend une partie 56, 58 ayant un contour circulaire centré sur l'axe des orifices de passage de l'axe épaulé 26. Les extrémités de chaque partie circulaire 56, 58 sont raccordées à des parties incurvées concaves 60, 62. L'orifice de chaque oreille comprend un rebord annulaire 64 en saillie sur la face interne 66 de l'oreille, ce rebord entourant l'orifice de passage de l'axe épaulé 60.

Une pièce de protection 50 selon l'invention comprend deux parois planes parallèles 68, 70 reliées l'une à l'autre par une partie de liaison 72 en forme de gorge annulaire s'étendant sur un peu moins de 180°. Une première paroi plane 68 comporte un orifice 74 dont le diamètre est inférieur à celui du rebord 44 de l'axe. La deuxième paroi 70 s'étend radialement sur une distance inférieure à celle de la première paroi 68 et comprend un bord périphérique 76 interne concave en arc de cercle. La partie de liaison 72 comprend une paroi de fond définissant avec les première 68 et seconde 70 parois planes une gorge annulaire et ayant une forme en arc de cercle centré sur l'axe de l'orifice 74. L'étendue angulaire de la paroi de fond 72 est identique à celle de la partie circulaire 56, 58 du sommet de chaque oreille 52, 54.

La pièce de protection 50 est engagée sur le sommet d'une oreille de manière à ce que la première paroi 68 soit appliquée sur la face externe 78 de l'oreille et à ce que la seconde paroi 70 soit appliquée sur la face interne 66 de l'oreille, la partie de liaison 72 étant appliquée sur le sommet de l'oreille.

Ainsi, lorsqu'une pièce de protection 50 est engagée sur une oreille d'une chape, les extrémités de la partie 72 viennent en butée sur les parties incurvées concaves 60, 62 et empêchent la rotation de la pièce de protection 50 par rapport à l'oreille 52, 54.

Le rebord annulaire 64 autour de chaque orifice en saillie sur la face interne 66 de chaque oreille 52, 54 forme un moyen de centrage et un moyen de détrompage au montage d'une pièce de protection 50 sur une oreille 52, 54. En effet, dans le cas où un opérateur engagerait la première paroi plane 68 sur la face interne 66 d'une oreille, l'extrémité radialement interne de cette paroi 68 viendrait en butée sur le rebord annulaire 64, ce qui indiquerait un montage incorrect de la pièce de protection 50. De plus, le bord 76 de la paroi 70 de la pièce de protection 50 vient en butée sur le rebord annulaire 64 de l'oreille pour définir une position correcte de montage de la pièce 50 sur l'oreille.

L'invention propose ainsi un moyen simple et efficace pour maintenir fixe en rotation la pièce de protection 50 sur une oreille 52, 54 de la chape. Lorsque les pièces de protection 50 sont usées, il suffit de les remplacer et aucune opération de maintenance n'est nécessaire sur les faces externes des oreilles des chapes qui sont protégées de l'usure par les pièces 50, ce qui permet de garantir leur tenue mécanique pour une transmission d'efforts optimale de la turbomachine à l'avion.

Les pièces de protection 50 contre l'usure peuvent être réalisées par emboutissage d'une tôle en alliage de nickel ayant une épaisseur de l'ordre de 1 millimètre. La tôle peut également être réalisée dans un matériau tel que celui connu sous le nom de superalliage d'Inconel 718 de formule chimique NiCri ₉ FeNb ₅ Mo3.

D'autres réalisations des pièces de protection sont possibles. En particulier, dans le cas d'une oreille avec un sommet non circulaire, il suffit que la partie de liaison ait une forme complémentaire de celle du sommet de l'oreille pour garantir le maintien en rotation de la pièce de protection sur l'oreille.