La présente invention concerne l'utilisation, comme additif de contrôle de propriétés rhéologiques, d'une silice précipitée dans les pâtes cimentaires à base de ciment et d'eau.

Elle est également relative à ces pâtes cimentaires contenant ladite silice précipitée et aux compositions correspondantes après prise. La mise au point et l'utilisation de compositions de pâtes cimentaires sont connues depuis très longtemps et font encore l'objet de nombreuses publications.

Il a déjà été proposé, dans le but d'améliorer certaines propriétés de ces compositions, d'y ajouter divers adjuvants, notamment des fluidifiants, des retardateurs de prise, et, également, de la fumée de silice. Les fluidifiants ont essentiellement pour fonction de diminuer la quantité d'eau de gâchage à utiliser et de défiocuier les grains de ciment.

Les retardateurs de prise ont pour seule fonction de retarder la prise de la composition.

La fumée de silice peut intervenir comme rétenteur d'eau et permettre d'améliorer la résistance aux agressions chimiques de la composition finale.

Néanmoins, les pâtes cimentaires ne présentent pas nécessairement certaines propriétés rhéologiques souhaitées.

De plus, le contrôle de ces propriétés rhéologiques n'est pas toujours possible, alors qu'il peut s'avérer essentiel notamment lors de la mise en oeuvre de la pâte cimentaire sur le chantier.

On entend ici par "propriétés rhéologiques" des pâtes cimentaires, notamment leur seuil d'écoulement, c'est-à-dire leur résistance à l'écoulement (pour un faible cisaillement (inférieur à 50 s ^-1 notamment, voire à 10 s ^~1 ) et leur viscosité (pour un cisaillement élevé (100 à 1000 s ¹ notamment)). La présente invention a notamment pour but de proposer un additif de contrôle et/ou d'amélioration de ces propriétés rhéologiques relatives aux pâtes cimentaires.

L'invention consiste dans l'utilisation de silice précipitée, en une quantité en poids comprise entre 0,5 et 5 % par rapport au poids de ciment, dans de telles compositions à base de ciment et d'eau. On entend par pâtes cimentaires des compositions gâchées formées à partir de ciment et d'eau (et, éventuellement, d'additifs usuels).

D'autres caractéristiques, détails et avantages de l'invention apparaîtront plus clairement à la lecture de la description qui va suivre.

La Demanderesse a ainsi découvert, de manière surprenante, que l'utilisation d'une certaine quantité de silice précipitée dans une composition formée à partir de ciment et d'eau (dite eau de gâchage) permet notamment de contrôler et/ou d'améliorer le seuil d'écoulement et/ou la viscosité de cette composition, l'addition de la silice précipitée s'effectuant généralement avant ou lors de l'opération de gâchage.

Cette pâte cimentaire est en général formée par malaxage des produits entrant dans sa constitution (opération de gâchage) ; l'ordre d'introduction desdits produits dans le malaxeur peut être quelconque.

Selon l'invention, la silice précipitée peut être utilisée comme additif de contrôle et/ou d'amélioration du seuil d'écoulement des pâtes cimentaires précitées. Le seuil d'écoulement d'une pâte cimentaire correspond à sa résistance à l'écoulement (pour un faible cisaillement, notamment inférieur à 50 s ^*1 , voire à 10 s ^-1 ).

Ainsi, l'addition d'une certaine quantité de silice précipitée dans de telles compositions permet en particulier de pouvoir ajuster la valeur du seuil d'écoulement, sous faible cisaillement notamment.

Cette utilisation de silice précipitée permet un ajustement du seuil d'écoulement (sous faible cisaillement) à une valeur faible ; les pâtes cimentaires (gâchées) obtenues peuvent alors pénétrer de manière très satisfaisante dans des milieux poreux.

Les compositions gâchées obtenues sont alors habituellement auto-lissantes (leur mise à l'horizontale ne nécessite qu'une réglette), de préférence auto-nivelantes (leur mise à l'horizontale ne nécessite aucun dispositif ou instrument).

Un ajustement du seuil d'écoulement (sous faible cisaillement) à une valeur élevée du fait de l'utilisation d'une certaine quantité de silice précipitée est également possible ; les pâtes cimentaires (gâchées) obtenues sont alors parfaitement adaptées à la préfabrication et présentent une consistance thixotrope (et donc une homogénéité optimale) qui leur confèrent ainsi une aptitude au pompage très satisfaisante, même après une période de repos, d'où une sécurité et une souplesse d'emploi pour l'utilisateur.

Selon l'invention, la silice précipitée peut être employée comme additif de contrôle et/ou d'amélioration de la viscosité desdites pâtes cimentaires (sous cisaillement élevé (100 à 1000 s' ¹ notamment)), la quantité en poids de silice utilisée étant comprise entre 0,5 et 5 % par rapport de ciment.

Cette utilisation de silice précipitée permet notamment l'obtention d'une viscosité relativement faible pour lesdites compositions (sous cisaillement élevé notamment), conférant alors à celles-ci une bonne aptitude au pompage.

Enfin, elle permet, de préférence, d'améliorer leur aptitude à la mise en place dans les coffrages sans vibration, assurant un aspect de surface ne nécessitant

généralement pas de réagréage ; elle permet également de réduire la pression exercée sur ces coffrages, d'où une réduction du coût de ces derniers.

Par silice précipitée, on entend ici une silice obtenue par précipitation à partir de la réaction d'un silicate alcalin avec un acide en général inorganique à un pH adéquat du milieu de précipitation, en particulier un pH basique, neutre ou peu acide ; le mode de préparation de la silice peut être quelconque (addition d'acide sur un pied de cuve de silicate, addition simultanée totale ou partielle d'acide et de silicate sur un pied de cuve d'eau ou de solution de silicate, etc) et est choisi en fonction du type de silice que l'on souhaite obtenir. La silice précipitée est avantageusement employée sous forme de poudre (sèche) ou, éventuellement, en suspension aqueuse (slurry ou bouillie).

La teneur en poids de silice précipitée utilisée est comprise entre 0,5 et 5 % par rapport au poids de ciment ; elle est par exemple comprise entre 1 et 3 % ou entre 2,5 et 4,5 % par rapport au poids de ciment. En effet, l'utilisation de silice précipitée à ces teneurs relativement faibles donne d'excellents résultats, ce qui représente un avantage indéniable de l'invention.

Les silices précipitées utilisées selon la présente invention possèdent préférentiellement une surface spécifique BET d'au moins 40 m ² /g, notamment comprise entre 40 et 400 m ² /g, par exemple entre 50 et 350 m ² /g. Selon un mode de réalisation particulier, cette surface est comprise entre 210 et

300 m ² /g.

La surface spécifique BET est déterminée selon la méthode de BRUNAUER- EMMET-TELLER décrite dans "The Journal of the American Chemical Society", vol. 60, page 309, février 1938 et correspondant à la norme ISO 5764/1 (annexe I). De même, les silices précipitées utilisées selon la présente invention possèdent préférentiellement une taille moyenne des particules d'au moins 0,5 μm, notamment comprise entre 1 et 300 μm, en particulier entre 1 et 40 μm, voire entre 1 et 20 μm ; elle peut être par exemple comprise entre 1 ,5 et 16 μm.

Selon des modes de réalisation particuliers, cette taille moyenne des particules est comprise entre 1 ,5 et 4 μm ou entre 6 et 16 μm.

La taille moyenne des particules est déterminée, pour les particules à taille élevée (au moins 100 μm), de préférence selon la norme NFX-11507 (décembre 1970) par tamisage à sec et détermination de la taille correspondant à un refus cumulé de 50 %, et, pour les particules à taille faible (inférieure à 100 μm), de préférence par diffraction laser sur un granulomètre SY PATEC.

Selon une variante préférée de l'invention, on utilise, en tant qu'additif de contrôle et/ou d'amélioration du seuil d'écoulement (sous faible cisaillement notamment) et/ou de la viscosité (sous cisaillement élevé notamment) des pâtes cimentaires à base de

ciment et d'eau, au moins une silice précipitée, en une quantité en poids comprise entre 0,5 et 5 % par rapport au poids de ciment, mélangée (ou combinée) avec au moins un fluidifiant.

Ainsi, ledit additif formé par la silice précipitée peut comprendre en outre au moins un fluidifiant.

Ledit additif peut alors éventuellement être préparé par simple mélange de la silice précipitée et du fluidifiant et également par absorption préalable dudit fluidifiant sur la silice précipitée, cette absorption s'effectuant notamment par co-atomisation de la silice précipitée et du fluidifiant ou par mise sur support de celui-ci sur la silice précipitée. Les techniques dites de co-atomisation et de mise sur support sont bien connues de l'homme du métier. On entend notamment par mise sur support l'absorption d'un composé sous forme liquide dans les pores de la silice précipitée. Dans ce cas, on emploie, de préférence, une silice précipitée présentant une prise d'huile DOP comprise entre 180 et 350 ml/100g (la prise d'huile DOP étant déterminée selon la norme ISO 787/5 en mettant en œuvre le dioctylphtalate).

On peut citer, à titre d'exemples de fluidifiants, notamment la mélamine, le polynaphtalène sulfonate de sodium, le poiyacrylate de sodium, le polycarboxylate de sodium.

Les pâtes cimentaires dans lesquelles 0,5 à 5 % en poids de silice précipitée sont utilisés selon l'invention peuvent contenir, outre du ciment et de l'eau, au moins un fluidifiant, ce fluidifiant ayant été introduit indépendamment de la silice précipitée.

Il faut noter que l'utilisation de silice précipitée selon l'invention ne nuit pas aux propriétés des compositions finales après prise ; au contraire, elle peut diminuer leur perméabilité, accroître leur durabilité et améliorer leurs propriétés mécaniques. La présente invention a également pour objet les pâtes cimentaires dans lesquelles est utilisée selon l'invention au moins une silice précipitée, ainsi que ces compositions après leur prise.

La silice précipitée est du type décrit précédemment, notamment au niveau de son mode de préparation, de sa surface spécifique BET, de sa taille moyenne des particules.

De même, les pâtes cimentaires selon l'invention présentent alors une teneur en poids de silice précipitée comprise entre 0,5 et 5 %, par exemple entre 1 et 3 % ou entre 2,5 et 4,5 %, par rapport au poids de ciment.

Ces compositions selon l'invention peuvent également contenir en outre au moins un fluidifiant, notamment tel que décrit précédemment.

Elles peuvent également contenir en outre un ou plusieurs additifs usuels, en particulier un retardateur de prise.

L'invention n'est pas du tout limitée à un type de ciment très particulier.

Celui-ci doit en fait être généralement du type hydraulique, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'un matériau qui peut durcir en présence d'eau.

Quelques exemples de ciment vont être donnés ci-après.

Ce ciment peut ainsi être du type alumineux, et notamment du type SECAR. Le ciment peut aussi être du type silicate et plus particulièrement à base de silicate de calcium. On peut citer à titre d'exemples les ciments PORTLAND et, dans ce type de ciments, les ciments blancs, ceux résistant aux sulfates ainsi que ceux comprenant des laitiers (par exemple ciments CLK), des cendres volantes, des pouzzolanes et/ou du méta-kaolin. II est à noter que des cendres volantes, des pouzzolanes et/ou du méta-kaolin peuvent être ajoutés dans les pâtes cimentaires indépendamment du ciment.

Le ciment peut être également à base de laitier activé par des alcalins, de la chaux ou du sulfate de chaux.

Les compositions dans lesquelles est utilisée selon l'invention une silice précipitée peuvent être employées dans toute application traditionnelle des pâtes cimentaires.

Les exemples suivants illustrent l'invention sans toutefois en limiter la portée.

Exemples

On prépare, dans ces exemples, des pâtes cimentaires à partir de ciment, de fluidifiant, d'eau et des pâtes cimentaires à partir de ciment, de fluidifiant, d'eau et soit de silice précipitée, soit de fumée de silice. Les teneurs de ces matières premières (en parties en poids) sont les suivantes :

Ciment : 100 Fluidifiant : teneur telle que le rapport fluidifiant (matière sèche)/ciment soit de 0,012

Eau : 30

Silice précipitée : 0 ou 4 ou fumée de silice : 0, 4 ou 10

Matières premières

On utilise un ciment PORTLAND (référencé CPA 55 HPR de la société Ciments Lafarge).

A titre de fluidifiant, on emploie, suivant les exemples :

- du B 6770 (polyacrylate de sodium), sous forme de solution, commercialisé par la société Bevaloid ;

- du B 36 (polynaphtaiène sulfonate de sodium), sous forme de poudre, commercialisé par la société Bevaloid ;

- du FF 86 (mélamine), sous forme de solution, commercialisé par la société Sika ;

- du Superplast THP, sous forme de solution, commercialisé par la société Chryso.

On met en oeuvre :

- soit une silice précipitée de surface spécifique BET de 250 m ² /g et de taille moyenne des particules de 3,5 μm (notée ici SP A) ;

- soit une silice précipitée de surface spécifique BET de 250 m ² /g et de taille moyenne des particules de 15 μm (notée ici SP B) ;

- soit une fumée de silice commercialisée par la société Elkem sous la référence 940 U (notée ici FS) ; - soit ni silice précipitée ni fumée de silice.

Protocole de gâchage

La gâchage de la pâte cimentaire est effectué dans un malaxeur planétaire selon le protocole suivant :

- introduction dans le malaxeur du ciment et de la silice précipitée ou de la fumée de silice (suivant les exemples) ;

- homogénéisation (par malaxage) du mélange sec obtenu pendant 30 secondes à 50 tr/mn ; - ajout de l'eau et du fluidifiant sous malaxage à 50 tr/mn pendant 30 secondes ;

- poursuite du malaxage pendant 5 minutes à 250 tr/mn.

Mesure de caractéristiques rhéologiques

On mesure, pour chacune des pâtes cimentaires obtenues après gâchage, leur viscosité (V1) et leur seuil d'écoulement (S1) sous faible cisaillement et leur viscosité (V2) et leur seuil d'écoulement (S2) sous cisaillement élevé.

Pour cela, chaque composition est introduite dans une cellule de mesure. On enregistre alors dans l'ordre deux rhéogrammes à grande vitesse et un rhéogramme à petite vitesse.

Les valeurs des viscosités (exprimées en centipoises) et des seuils d'écoulement (exprimés en Pa) sont calculées d'après le modèle de BINGHAM sur les courbes descendantes des rhéogrammes :

- pour la grande vitesse, on exploite la courbe descendante (de 1000 s ^-1 à 1 s' ¹ ) du second rhéogramme à grande vitesse ;

- pour la petite vitesse, on exploite la courbe descendante (de 50 s ^*1 à 1 s ^~1 ) du rhéogramme à petite vitesse.

Protocole d'enregistrement du rhéogramme à grande vitesse :

On enregistre la contrainte (Pa) induite par la pâte cimentaire sur l'axe du cylindre de la cellule de mesure MSDIN125, lors de l'imposition du profil de cisaillement suivant :

- 10 secondes à un cisaillement de 1 s ^~ - ; - montée en 60 secondes d'un cisaillement de 1 s ^~1 à un cisaillement de 1000 S' ¹ ;

- palier de 60 secondes à un cisaillement de 1000 s ¹ ;

^• descente en 60 secondes d'un cisaillement de 1000 s ^~1 à un cisaillement de 1 s- ¹ .

Protocole d'enregistrement du rhéogramme à petite vitesse :

On enregistre la contrainte (Pa) induite par la pâte cimentaire sur l'axe du cylindre de la cellule de mesure MSDIN125, lors de l'imposition du profil de cisaillement suivant : - 10 secondes à un cisaillement de 1 s ^~1 ;

- montée en 60 secondes d'un cisaillement de 1 s ^*1 à un cisaillement de 50 s ^-1 ; - palier de 60 secondes à un cisaillement de 50 s~ ¹ ;

- descente en 60 secondes d'un cisaillement de 50 s ^~1 à un cisaillement de 1 s' ¹ .

Les résultats sont répertoriés dans les tableaux 1 à 5 ci-dessous ; la première colonne indique si la composition contient une silice précipitée ou de la fumée de silice (teneur pondérale entre parenthèses), ou ni l'une ni l'autre ("Blanc").

Exemple 1

Le fluidifiant employé est du B 6770.

Tableau 1

Exemple 2

Le fluidifiant employé est du B 36.

Tableau 2

Exemple 3

Le fluidifiant employé est du FF 86.

Tableau 3

Exemple 4

Le fluidifiant employé est du Superplast THP.

(nm = non mesurée)

Tableau 4

Un essai effectué sur une pâte cimentaire ne contenant ni fluidifiant, ni silice précipitée, ni fumée de silice, composition qui est hétérogène après le gâchage, conduit aux résultats suivants :

V1 : 1200 ; S1 : 8,9 ; V2 : 190 ; S2 : 102 .

Les résultats compris dans les tableaux précédents montrent que l'utilisation de silice précipitée permet de moduler les caractéristiques rhéologiques (seuil d'écoulement et viscosité) de la pâte cimentaire, afin d'obtenir notamment une viscosité relativement faible sous cisaillement élevé associée soit à un seuil d'écoulement élevé sous faible cisaillement, soit à un seuil d'écoulement assez faible sous faible cisaillement. Les compositions contenant de la fumée de silice sont toutes, quelque soit le fluidifiant, caractérisées par un seuil d'écoulement très faible, voire nul.