Dans le cycle de production des tôles en acier, on coule l'acier issu de l'élaboration sous forme de blocs parallélépipédiques qu'on appelle des brames. Ces brames présentent une épaisseur importante et, afin de la réduire pour obtenir des tôles de moindre épaisseur, on procède à une opération de laminage à chaud qui nécessite qu'on réchauffe préalablement la brame dans un four.

De façon connue en elle-même, les brames sont réchauffées dans des fours continus horizontaux comprenant, à une première extrémité, une ouverture destinée à introduire les brames froides dans le four, et, à l'autre extrémité, une ouverture destinée à sortir les brames chaudes du four. La première extrémité est appelée"côté enfournement. et la deuxième extrémité est appelée "côté défournement".

Le four lui-même est divisé fonctionnellement, selon sa longueur, en deux zones qui, en partant du côté enfournement pour aller du côté défournement, sont une zone de chauffage et une zone d'égalisation.

Dans la zone de chauffage, les brames sont portées progressivement à une température moyenne qui est proche de la température visée pour le laminage, mais les peaux inférieures et supérieures des brames sont sensiblement plus chaudes que le coeur.

Dans la zone d'égalisation, le chauffage est poursuivi dans le but principal d'homogénéiser la température dans l'épaisseur de la brame sans augmenter la température en peau.

Pendant la traversée du four, les brames sont supportées par des longerons. Les longerons sont des poutres s'étendant selon la longueur du four et disposées parallèlement les unes aux autres.

De façon connue, les longerons sont constitués d'un tube parcouru par une circulation d'eau de refroidissement, le tube comportant, le long de la génératrice destinée à recevoir les brames, soit une glissière, soit des plots en acier réfractaire.

Dans les fours dits poussant, tous les longerons sont fixes, les brames formant un lit continu qui avance chaque fois qu'on introduit une nouvelle brame

en la poussant horizontalement. Ainsi, les brames glissent sur les glissières des longerons.

Dans les fours dits à longerons mobiles, certains longerons sont fixes et n'ont qu'une fonction de support, d'autres longerons sont mobiles et sont destinés à assurer le mouvement des brames. Les longerons mobiles sont animés d'un mouvement cyclique dans lequel ils restent parallèles à eux- mêmes. Ce mouvement comporte une première phase au cours de laquelle ils sont levés de façon à soulever les brames, une deuxième phase au cours de laquelle ils sont déplacés horizontalement de façon à faire avancer les brames, un troisième phase où ils sont abaissés de façon à déposer les brames sur les longerons fixes un peu plus loin dans le four, et une dernière phase qui les ramènent à leur position initiale.

En général, les longerons fixes et mobiles sont disposés alternativement selon la largeur du four.

Dans tous les cas, les longerons qui sont refroidis perturbent le chauffage de la peau inférieure des brames par un effet de conduction thermique et par un effet d'ombre. Ces perturbations engendrent des irrégularités de températures qui, au laminage, se traduisent par des irrégularités d'épaisseurs sur les bandes obtenues.

Afin de remédier à cet inconvénient, on a proposé d'utiliser des fours comportant deux séries de longerons, une première dans la zone de chauffage et une seconde, décalée transversalement par rapport à la première, dans la zone d'égalisation. Ces fours sont appelés fours à longerons décalés.

Dans ces fours, les zones de la brame qui sont au contact des longerons dans la zone de chauffage ne le sont plus dans la zone d'égalisation. II en résulte une amélioration sensible de l'homogénéité de température de la brame, ce qui atténue très sensiblement les irrégularités d'épaisseur constatées sur les bandes. Certains fours sont même munis de trois séries de longerons, décalées les unes par rapport aux autres pour réduire encore les hétérogénéités.

Mais, on a alors constaté que les zones de la surface inférieure des brames que l'on met en contact avec les plots ou les glissières de la deuxième série de longerons, voire de la troisième, sont très souvent détériorées par l'apparition ultérieure de défauts pouvant être internes, tels des criques, ou pouvant être externes comme des défauts de surfaces.

Le but de l'invention était donc de mettre à disposition un procédé et une installation de réchauffage de brames permettant d'obtenir des brames réchauffées ne présentant pas d'hétérogénéités thermiques excessives et ne présentant pas non plus de défauts internes et/ou externes.

A cet effet, un premier objet de l'invention est constitué par un procédé de réchauffage de brames dans une installation comprenant une enceinte équipée de moyens de chauffage à l'entrée de laquelle se trouve une première série de moyens longitudinaux de support de la brame, suivie d'une seconde série de moyens longitudinaux de support de la brame décalés transversalement par rapport à ladite première série de moyens de support, ledit procédé comprenant les étapes consistant à : - introduire une brame dans ladite enceinte chauffée, sur ladite première série de moyens de support, puis - déplacer la brame dans l'enceinte jusqu'à atteindre ladite seconde série de moyens de support, puis - transférer la brame sur ladite seconde série de moyens de support décalés, puis continuer à la déplacer jusqu'à la sortie de l'enceinte caractérisé en ce que, avant ledit transfert, on procède au refroidissement des zones de la face inférieure de la brame qui seront mises en contact avec la seconde série de moyens de support décalés, de façon à éviter la formation de défauts.

Dans un mode de réalisation préféré, le refroidissement est effectué en disposant des moyens formant écran thermique dans l'enceinte, à proximité de la face inférieure des brames et en amont de la seconde série de moyens de support.

Dans un autre mode de réalisation préféré, les moyens de support de la seconde série sont constitués de longerons munis sur leurs faces supérieures de plots ou de glissières et les moyens formant écran thermique sont les prolongements de ces longerons dépourvus de plots ou de glissières.

Dans un autre mode de réalisation préféré, la brame réchauffée est en acier inoxydable austénitique et on refroidit les zones de la face inférieure de la brame jusqu'à ce que leur température soit inférieure ou égale à 1200°C environ.

Un second objet de l'invention est constitué par une installation de mise en oeuvre du procédé selon l'invention dans ces différentes variantes, ladite installation comprenant une enceinte, des moyens de chauffage de l'enceinte, des moyens de déplacement et de transfert des brames au travers de l'enceinte qui comprend à son entrée une première série de moyens longitudinaux de support ou de déplacement de la brame suivie d'une seconde série de moyens longitudinaux de support ou de déplacement décalés transversalement par rapport à ladite première série, caractérisé en ce qu'elle comprend en outre des moyens de refroidissement de la face inférieure des brames placés dans le

prolongement de la seconde série de moyens de support ou de déplacement, sous le niveau de la première série de moyens de support ou de déplacement, les moyens de refroidissement et la première série de moyens de support ou de déplacement se recouvrant partiellement sur une longueur L.

Dans un mode de réalisation préféré, la longueur de recouvrement L représente au moins 8% de la longueur de l'enceinte.

Dans un autre mode de réalisation préféré, la longueur de recouvrement L représente au maximum 12% de la longueur de l'enceinte.

Dans un autre mode de réalisation préféré, lesdits moyens longitudinaux de support de la première et de la seconde série sont des longerons creux sensiblement parallèles entre eux et munis sur leurs faces supérieures de plots massifs en matière réfractaire, et lesdits moyens de refroidissement sont des prolongements des longerons de la seconde série de moyens de support, ces prolongements étant dépourvus de plots.

Dans un autre mode de réalisation préféré, les longerons de la seconde série de moyens de support comportent une première zone dépourvue de plots formant lesdits moyens de refroidissement, suivie d'une deuxième zone munie de plots et d'une troisième zone munie de plots, la deuxième zone ayant une quantité de plots par unité de longueur plus importante que celle de la troisième zone.

D'autres avantages de l'invention apparaîtront mieux au cours de la description détaillée d'un mode de réalisation particulier, faite en référence aux dessins annexés sur lesquels : - la figure 1 représente une vue de dessus schématique d'un four de l'art antérieur, - la figure 2 représente le profil thermique de la moitié de la face inférieure d'une brame soumise à un procédé de l'art antérieur, - la figure 3 représente un mode de réalisation d'une installation selon l'invention, - la figure 4 représente le profil thermique de la moitié de la face inférieure d'une brame soumise au procédé selon l'invention, - la figure 5 représente l'écart de température AT de la face inférieure d'une brame soumise au procédé selon l'invention, par rapport à une brame soumise à un réchauffage selon l'art antérieur, en fonction de la longueur L de la zone de recouvrement.

L'invention étant liée directement à la disposition des longerons, afin de la faire bien comprendre, on va d'abord rappeler quelle est la disposition des longerons dans un four à longerons décalés, que les longerons soient fixes ou mobiles.

Si on considère la figure 1 qui représente un four à longerons mobiles 1 de l'art antérieur, on voit que celui-ci est constitué d'une enceinte 2 divisée en deux zones A et B. La zone A située du côté enfournement de la brame comprend une première série de moyens longitudinaux de support qui prennent la forme de longerons creux 3 en acier réfractaire disposés parallèlement les uns aux autres. Ces longerons 3 sont traversés par un courant d'eau de refroidissement et portent des plots cylindriques en acier réfractaire régulièrement espacés (non représentés). La brame 4 est posée sur les longerons 3 et avance par déplacement des longerons.

La zone B en aval de la zone A comprend des longerons 5 identiques aux longerons 3 mais décalés transversalement par rapport à ceux-ci.

La zone A est ici placée dans la zone de chauffage du four, ainsi que le début de la zone B, l'égalisation ayant lieu après le transfert, dans la fin de la zone B. Dans les fours comportant trois séries de longerons décalés, le transfert de la première série de longerons à la deuxième a généralement lieu dans la zone de chauffage et le transfert de la deuxième série de longerons à la troisième peut avoir lieu dans la zone de chauffage ou dans la zone d'égalisation.

La figure 2 est une courbe du profil thermique de la moitié de la surface inférieure d'une brame circulant dans la zone A d'un tel four avant son transfert dans la zone B. La courbe indique la température de peau des points compris dans une moitié de la brame en fonction de leur position dans la largeur du four LF. Cette courbe présente d'importantes variations de la température qui oscille, dans cet exemple, entre 1100°C et 1245°C. Les points bas correspondent aux zones qui ont été en contact avec la première série de longerons 3 et qui vont être exposées au rayonnement thermique après le transfert sur les longerons 5, tandis que les points hauts correspondent aux zones pleinement exposées au rayonnement thermique et qui sont mises en contact avec les plots des longerons 5, au moment du transfert.

Si on considère à présent la figure 3 qui représente une installation selon l'invention, on peut voir que celle-ci est constituée d'une enceinte 2 identique à celle du dispositif de l'art antérieur, divisée en trois zones A', B'et C'.

La zone A'située côté enfournement et la zone B'qui la suit, correspondent à la zone A de la figure 1. La zone C', située côté défournement, correspond à la zone B de la figure1.

Le four comprend deux séries de longerons 7 et 8. La première série de longerons 7 (fixes ou mobiles) s'étend le long des zones A'et B', lesdits longerons étant destinés de façon connue à recevoir les brames.

La deuxième série de longerons 8, fixes ou mobiles, est décalée par rapport à la première série et s'étend le long des zones B'et C'. Ces longerons 8 sont divisés en deux parties, une partie 8a s'étendant le long de la zone C', comportant des plots ou des glissières et destinées à recevoir des brames, et une partie 8b, s'étendant le long de la zone B', ne comportant pas de plots ou de glissières. Cette partie 8b n'est jamais en contact avec les brames. Elle a pour fonction de créer une zone d'ombre qui engendre un refroidissement de la peau inférieure des brames avant que celle-ci n'arrive en contact avec la partie 8a des glissières.

Avec cette disposition et pourvu que la zone B'ait une longueur adaptée, les inventeurs ont constaté que les défauts de surface étaient supprimés totalement ou partiellement. Pour qu'il en soit ainsi, il suffit que la température de peau des brames dans la zone qui va venir en contact des longerons de la zone C'du four soit suffisamment faible, sans l'être trop. Cette condition dépend de la nature du métal dont sont constituées les brames.

Dans la cas d'un acier austénitique inoxydable, cette température maximale est d'environ 1200°C. Dans le cas général, l'homme du métier sait déterminer cette température, par exemple par des essais. Pour obtenir le résultat, la longueur de la partie 8b des longerons doit être choisie en fonction des caractéristiques du four, ce que l'homme du métier sait faire, par des essais ou en utilisant des modèles de simulation, connus en eux-mêmes.

La zone B'de recouvrement située à la suite de la zone A', comporte la deuxième partie des longerons 7 munie de plots, mais aussi des moyens de refroidissement qui prennent la forme de longerons 8 dépourvus de plots, situés sous le niveau des longerons 7 et décalés transversalement par rapport à eux.

Cette zone de recouvrement a une longueur L inférieure à la longueur totale de chaque longeron 7.

La zone C'située à la suite de la zone B'comporte uniquement le prolongement des longerons 8 mais qui sont munis de plots (non représentés).

Le nombre de plots par unité de longueur est plus important au début de cette zone qu'à la fin, car c'est là que la surface inférieure de la brame va entrer en premier en contact avec les plots des longerons 8. C'est donc à ce moment que

la différence de température est la plus importante entre la surface inférieure de la brame 4 et les plots. En augmentant leur densité, on réduit donc la pression exercée sur cette surface lorsqu'elle est le plus fragile, évitant ainsi de l'endommager.

Les zones A'et B'sont ici situées dans la zone de chauffage du four, tandis que la zone C'est situé dans la zone d'égalisation, mais on pourrait tout à fait concevoir que ces trois zones A', B'et C'soient réparties différemment par rapport aux zones de chauffage et d'égalisation.

On constate donc que dans la zone de recouvrement B', il n'y a pas de contact direct entre les longerons 8 et la brame 4. Cette partie des longerons 8 dépourvue de plots permet d'obtenir un refroidissement de la surface inférieure de la brame 4 par un effet d'ombre.

La figure 4 présente, à titre d'exemple, trois profils thermiques superposés. Le profil a correspond au profil de la figure 2, obtenu en appliquant l'enseignement de l'art antérieur. Par comparaison, le profil b correspond au profil obtenu à l'aide du dispositif de la figure 3 pour une zone de recouvrement longue de 2 mètres et le profil c pour une zone de recouvrement longue de 3 mètres. Ces profils sont mesurés à chaque fois juste avant le transfert de la brame 4 de la première série de longerons 7 sur la deuxième série de longerons 8.

La brame traitée est en un acier austénitique inoxydable identique à celui utilisé pour tracer le profil de la figure 2.

On a représenté au moyen d'une flèche l'écart E2m existant entre les profils a et b dans les zones devant être mise en contact avec les longerons 8 munis de plots et l'écart E3m existant entre les profils a et c dans les mêmes zones. On voit que le dispositif selon l'invention permet d'abaisser la température de ces zones de 45 °C pour une longueur de recouvrement de 2 m et de 58 °C pour une longueur de recouvrement de 3 m.

L'enceinte 2 a, dans cet exemple précis, une longueur de 30 mètres, et on mesure par ailleurs qu'une longueur de recouvrement de 2,40 m, soit 8% de la longueur de l'enceinte, permet de passer en-dessous de la température de formation de défaut qui est de 1200°C pour l'acier inoxydable austénitique utilisé.

La figure 5 représente, à titre d'illustration, la courbe reliant l'écart de température de la surface inférieure d'une brame soumise au procédé selon l'invention par rapport à une brame réchauffée dans un four classique, en fonction de la longueur de la zone de recouvrement.

On notera qu'il ne faut pas refroidir trop la surface inférieure de la brame 4, car cela entraînerait un refroidissement au coeur de cette brame, créant ainsi une hétérogénéité thermique allant à l'encontre du but de la présente invention.

C'est pourquoi on limite la longueur de la zone de recouvrement. Dans le cas particulier de l'acier inoxydable austénitique utilisé à titre d'exemple, la longueur de la zone de recouvrement ne doit pas dépasser 12% de la longueur de l'enceinte.

II va de soi que le dispositif et le procédé selon l'invention ne sont pas limités à ce type d'aciers ou de métaux et que les intervalles des longueurs de recouvrement devront être adaptées par l'homme du métier aux matériaux traités. Par ailleurs, la longueur de cette zone de recouvrement varie aussi en fonction du four à équiper et doit être déterminée en tenant compte de la géométrie du four, du système de support des brames, de la distance à laquelle est placée le décalage de longerons et des conditions de fonctionnement du four.

En tenant compte de ces différents éléments constitutifs du four, ainsi que de la température de formation de défauts de l'acier ou du métal à réchauffer, l'homme du métier est en mesure de déterminer la fourchette de longueur de recouvrement nécessaire à la bonne réalisation du procédé selon l'invention.

Le procédé selon l'invention dont la caractéristique essentielle consiste à refroidir les zones de la face inférieure de la brame qui seront mises en contact avec la seconde série de moyens de support décalés est de préférence mis en oeuvre à l'aide d'une installation selon l'invention mais pourra bien entendu être mis en oeuvre au moyen de toute installation adaptée permettant d'obtenir un refroidissement local suffisant pour éviter la formation de criques et/ou de défauts d'aspects.

Dans le cas de fours comportant plusieurs séries de longerons décalés, impliquant ainsi plusieurs transferts de la brame à réchauffer, on pourra également mettre en oeuvre l'invention à chacun de ces transferts.