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Title:
SPECIFIC ORGANOPHOSPHORUS COMPOUNDS AS NON-NEUROTOXIC ANTI-WEAR AGENTS
Document Type and Number:
WIPO Patent Application WO/2021/233947
Kind Code:
A1
Abstract:
The present invention relates to the use of specific organophosphorus compounds as anti-wear agents in an oil so as to prevent and/or reduce the neurotoxicity of said oil and/or provide prophylaxis against aerotoxic syndrome in the instance of a smoke event.

Inventors:
FAYE DJIBRIL (FR)
GAY MARION (FR)
SEVERAC FLORENCE (FR)
HERVE GRÉGOIRE (FR)
Application Number:
PCT/EP2021/063201
Publication Date:
November 25, 2021
Filing Date:
May 18, 2021
Export Citation:
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Assignee:
NYCO (FR)
International Classes:
C10M137/04
Domestic Patent References:
WO2016032246A12016-03-03
WO2010149690A12010-12-29
WO2016032246A12016-03-03
WO2009071857A12009-06-11
Foreign References:
US20190277339A12019-09-12
US3983046A1976-09-28
US20120101015A12012-04-26
US20160002565A12016-01-07
US20190277339A12019-09-12
US3983046A1976-09-28
FR2924122A12009-05-29
Other References:
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MICHAELIS, S. ET AL., PUBLIC HEALTH PANORAMA, vol. 3, no. 2, 2017, pages 198 - 211
KASPER SOLBU ET AL., J. ENVIRON. MONIT., vol. 13, 2011, pages 1393
CRAIG P. ET AL., JOURNAL OF TOXICOLOGY AND ENVIRONMENTAL HEALTH PART B : CRITICAL REVIEWS, vol. 2, no. 4, 1999, pages 281 - 300
MACKERER CR ET AL., J. TOXICOL. ENV. HEALTH PART A, vol. 57, no. 5, 1999, pages 293 - 328
W.N. ALDRIDGE, BIOCHEMICAL JOURNAL, vol. 56, 1954, pages 185 - 189
A.V. TERRY, PHARMACOLOGY AND THERAPEUTICS, vol. 134, 2012, pages 355 - 365
AI SALEM ET AL., CHEMOSPHERE, vol. 237, 2019, pages 124519
ZHANG ET AL., NEUROTOXICOLOGY AND TERATOLOGY, vol. 73, 2019, pages 54 - 66
RYAN ET AL., NEUROTOXICOLOGY, vol. 53, 2016, pages 271 - 281
SIRENKO ET AL., TOXICOLOG. SCI., vol. 167, 2019, pages 58 - 76
KARABOGA ET AL.: "Benchmarking of HPCC: A novel 3D molecular représentation combining shape and pharmacophoric descriptors for efficient molecular similarity assessments", JOURNAL OF MOLECULAR GRAPHICS AND MODELLING, vol. 41, 2013, pages 20 - 30, XP028525731, DOI: 10.1016/j.jmgm.2013.01.003
DE NOLA G. ET AL., J. CHROMATOGR. A, vol. 1200, no. 2, 2008, pages 211 - 216
ELLMAN ET AL., BIOCHEM. PHARM., vol. 7, 1961, pages 88 - 95
Attorney, Agent or Firm:
LE CACHEUX, Samuel et al. (FR)
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Claims:
Revendications

1. Utilisation d’au moins un composé de formule (I) o

A 0 p" OAr,

OA r2 dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et A¾ est indépendamment un groupe aryle en tant qu’agent anti usure dans une huile pour réduire et/ou prévenir la neurotoxicité de ladite huile.

2. Utilisation selon la revendication 1, dans laquelle la concentration inhibitrice à 50% dudit au moins composé de formule (I) sur l’activité biologique d’une enzyme acétylcholinestérase (AChE), nommée ICsohAChE est supérieure ou égale à 15 mg/L et l’activité sur une enzyme butyrylcholinestérase, nommée IC50 eqBuChE est supérieure ou égale à 15 mg/L, de préférence égale ou supérieure à 20 mg/L, en particulier égale ou supérieure à 25 mg/L et typiquement égale ou supérieure à 30 mg/L.

3. Utilisation selon la revendication 1 ou 2, dans laquelle A est choisi dans le groupe constitué par un groupe isodécyle, un groupe n-dodécyle et un groupe 2-octyl 1-dodécyle.

4. Utilisation selon l’une quelconque des revendications précédentes, dans laquelle A et Ar2 sont des phényles.

5. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 1 à 4, dans laquelle le composé de formule (I) est choisi dans le groupe constitué par l’isodécyldiphénylphosphate, le n- dodécyldiphénylphospate, le 2-octyl 1-dodécyldiphénylphosphate et l’un quelconque de leurs mélanges.

6. Utilisation selon la revendication 5, dans laquelle le composé de formule (I) est l’isodécyldiphénylphosphate.

7. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 1 à 6, dans laquelle l’huile ne comprend pas d’additif anti-usure triarylphosphate.

8. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 1 à 7, dans laquelle l’huile contient comme seul(s) agent(s) anti-usure seulement le ou les composés de formule (I).

9. Utilisation d’au moins un composé de formule (I) dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et A¾ est indépendamment un groupe aryle en tant qu’agent anti usure dans une huile pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique en cas d’événement de fumée.

10. Utilisation selon la revendication 9, dans laquelle la concentration inhibitrice à 50% dudit au moins composé de formule (I) sur l’activité biologique d’une enzyme acétylcholinestérase (AChE), nommée ICsohAChE est supérieure ou égale à 15 mg/L et l’activité sur une enzyme butyrylcholinestérase, nommée IC50 eqBuChE est supérieure ou égale à 15 mg/L, de préférence égale ou supérieure à 20 mg/L, en particulier égale ou supérieure à 20 et typiquement égale ou supérieure à 30 mg/L.

11. Utilisation selon la revendication 9 ou 10, dans laquelle A est choisi dans le groupe constitué par un groupe isodécyle, un groupe n-dodécyle et un groupe 2-octyl 1-dodécyle.

12. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 9 à 11, dans laquelle A et A¾ sont des phényles.

13. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 9 à 12, dans laquelle le composé de formule (I) est choisi dans le groupe constitué par l’isodécyldiphénylphosphate, le n- dodécyldiphénylphospate, le 2-octyl 1-dodécyldiphénylphosphate et l’un quelconque de leurs mélanges. 14. Utilisation selon la revendication 13, dans laquelle le composé de formule (I) est l’isodécyldiphénylphosphate.

15. Utilisation selon l’une quelconque des revendications 9 à 14, dans laquelle l’huile ne comprend pas d’additif anti-usure triarylphosphate ou dans laquelle l’huile contient comme seul(s) agent(s) anti-usure seulement le ou les composés de formule (I).

Description:
COMPOSES ORGANOPHOSPHORES SPECIFIQUES COMME AGENTS ANTIUSURE

NON NEUROTOXIQUES

Domaine Technique

La présente invention concerne le domaine technique des additifs anti-usure utilisés dans des huiles, telles que des huiles pour lubrifier des turbines d’avion ou aérodérivées ou des huiles hydrauliques.

Arrière-plan technologique

Les moteurs de turbines d’avions ou aérodérivées utilisent des lubrifiants synthétiques comprenant généralement une base ester et une variété d’additifs anti-usure issus de la famille des organophosphates, tels que les triarylphosphates. L’additif anti-usure le plus utilisé commercialement est le tricrésylphosphate (TCP), qui possède des propriétés anti-usure singulières pouvant être considérées comme uniques à ce jour. Ses analogues tri arylphosphates sont également des additifs anti-usure intéressants.

Des fuites de lubrifiants, notamment ceux contenant du tricrésylphosphate ou un de ses analogues tri-arylphosphates, dans l’air des cabines d’avion peuvent prendre source au niveau de joints usés ou défectueux, ou même dans des conditions normales d’utilisation par passage des lubrifiants dans l’air destiné à la pressurisation de la cabine. Ces fuites répétées sont explicitées (Michaelis S. et al. Public Health Panorama 2017, 3, 2, p.198-211) comme étant dues à des variations de pression entre la chambre de roulements et le circuit d’air exercées par les conditions normales d’opération (augmentation de la puissance moteur, décollage, ...). Dans certaines circonstances, la fuite peut devenir très importante, généralement suite à la casse d’un roulement dans la turbine, celle-ci conduisant à un évènement de fumée, ou brouillard blanc visible en cabine.

Le syndrome aérotoxique est un état pathologique mêlant symptômes physiques et neurologiques, causé par les effets à court et à long termes d'une exposition à de l'air de cabine d'avion, contaminé par des huiles hydrauliques ou des huiles de moteurs ou tout autre polluant organique présent sous forme de gaz et/ou d’aérosols. Les symptômes reportés sont généralement non-spécifiques, et les études de qualité de l’air en cabine indiquent des niveaux de contaminants qui sont inférieurs aux limites d’exposition et non dangereux pour la santé humaine, la difficulté étant de mesurer en continu et en service des émanations d’huiles, par définition non gazeuses, véhiculées dans l’air, se déposant et se concentrant, épisodiquement, à différentes localisations de l’avion (Kasper Solbu et al. J. Environ. Monit. 2011 , 13, 1393).

Des symptômes similaires à ceux du syndrome aérotoxique peuvent également être observés dans des environnements au sol en présence de turbines aérodérivées, par exemple au niveau de plateformes offshore. Les turbines aérodérivées ont un fonctionnement identique à celui des turbines d’avions et mettent en œuvre des lubrifiants de composition similaire, notamment en termes d’agents anti-usure.

Néanmoins, un certain nombre d’études (Michaelis, S. étal. Public Health Panorama 2017, 3, 2, p.198-211) ont mis en évidence une relative relation de cause à effet entre l’exposition aiguë et/ou chronique à des substances contaminant l’air de cabines d’avion et des symptômes neurologiques, neurocomportementaux et respiratoires.

Les additifs anti-usure organophosphates classiques, tels que le tricrésylphosphate (TCP), notamment son isomère tri-ortho-crésylphosphate (ToCP), sont connus pour présenter un effet neurotoxique puissant (Craig P. étal. Journal of Toxicology and Environmental Health Part B : Critical Reviews 1999, 2, 4, p.281 -300). Au-delà de la toxicité générique associée aux organophosphates employés très largement dans divers domaines, notamment en tant qu’insecticides et pesticides, une des raisons spécifique et reconnue à cet effet neurotoxique est la conversion rapide in vivo des isomères de tricrésylphosphate comprenant au moins une substitution en ortho en un métabolite nommé saligénine qui est un inhibiteur puissant des cholinestérases. L’empoisonnement au ToCP conduit à une pathologie dénommée neuropathie différée induite par les phosphates organiques (« Organophosphate-induced delayed neuropathy » (OPIDN) en anglais) dont le mécanisme a été largement étudié. En outre, le TCP étant également connu pour être reprotoxique.

Des huiles comprenant comme additif anti-usure du TCP ne comprenant pas d’isomère ortho ont été développées. Néanmoins, malgré l’absence de ToCP dans le TCP, le niveau d’inhibition des cholinestérases dans le sérum de rats exposés au TCP n’est pas nul et, bien que faible, il est persistant (Mackerer CR et al. J. Toxicol. Env. Health Part A 1999 57(5) :293-328). De même, des travaux plus anciens démontrent des problèmes de démyélinisation de la moelle épinière faisant suite à une exposition à du TCP présent sous ses formes méta et para (W.N. Aldridge, Biochemical Journal 1954 56, 185-189).

Des études très récentes montrent que le tricrésylphosphate et ses analogues tri- arylphosphates agissent également sur d’autres cibles biologiques, notamment à l’échelle cellulaire (A.V. Terry, Pharmacology and Therapeutics 2012, 134, p.355-365 ; Al Salem étal. Chemosphere 2019, 237, 124519).

Toutes ces études et ce long historique constituent un faisceau de preuves et d’éléments qui font du tricrésylphosphate et de ses analogues tri-arylphosphates des additifs particulièrement préoccupants.

Afin d’augmenter le niveau de sécurité des huiles hydrauliques et des huiles utilisées dans les turbines d’avions et aérodérivées, il semble ainsi nécessaire de développer des additifs anti-usure alternatifs au tricrésylphosphate et à ses analogues tri-arylphosphates.

L’identification d’additifs anti-usure alternatifs au tricrésylphosphate et à ses analogues tri-arylphosphates est une problématique identifiée, même si la nécessité de s’affranchir du tricrésylphosphate et de ses analogues tri-arylphosphates ne fait pas l’unanimité. A la connaissance de la Demanderesse, aucune étude n’a permis l’identification d’additifs anti-usure alternatifs présentant à la fois un effet anti-usure satisfaisant et une non- neurotoxicité démontrée. A titre d’exemple, les études récentes portant sur la caractérisation de la neurotoxicité potentielle des nouveaux organophosphates développés et commercialisés en tant que retardateurs de flamme de nouvelle génération sont pour la grande majorité d’un niveau de danger prétendu équivalent à celui des substances usuelles comme le TCP (Zhang ét al. Neurotoxicology and Teratology 2019, 73, p.54-66, Ryan ét al. Neurotoxicology 2016, 53, 271-281, Sirenko et al. Toxicolog. Sci. 2019, 167, p.58-76). La question de la neurotoxicité des composés organophosphorés reste à ce jour entière et non élucidée.

Diverses solutions ont été développées dans l’art antérieur.

La demande de brevet US2016/0002565 décrit une huile pour turbine exempte de tricrésylphosphate qui comprend au moins une huile de base, au moins un alkylpolyglycoside et un dérivé phénolique tel que le 3,5-di-tert-butyl-hydroxytoluène. Le remplacement du tricrésylphosphate par le dérivé phénolique contribue à la prévention du syndrome aérotoxique lorsque cette huile est utilisée dans des turbines d’avions. Néanmoins, la mise en œuvre d’une telle huile dans des turbines d’avions ne semble pas pouvoir procurer la même efficacité que celle de l’huile contenant du tricrésylphosphate qu’elle est censée remplacer, d’une part car la formulation décrite ne comprend aucun agent présentant un effet anti-usure permettant de remplacer celui du TCP, et d’autre part car la formulation comprend des alkylpolyglycosides qui sont thermosensibles.

Toutefois, à ce jour, seuls des composés phosphorés ont démontré une efficacité suffisante comme agents anti-usure dans des huiles pour turbines d’avions ou aérodérivées. Sans vouloir être liés par une quelconque théorie, ceci peut être lié au fait que le phosphore permet la formation d’une couche de protection, communément appelée tribofilm, même aux hautes températures impliquées par les applications visées.

La demande de brevet W02010/149690 décrit l’effet diminué sur la butyrylcholinestérase, par rapport au TCP notamment, de triarylphosphates spécifiques dans lesquels les groupements phényles sont substitués par un à trois groupements isopropyles ou tert- butyles. Ces résultats d’inhibition suggèrent une possible réduction de la neurotoxicité associée à ces composés par rapport à celle observée pour le TCP. Néanmoins, la simple démonstration d’un effet limité sur une cholinestérase unique ne semble pas suffisante pour garantir un niveau de sécurité suffisant pour les attentes de l’aviation.

Les documents suivants sont également connus de l’état de la technique.

Le document US 2019/0277339 décrit une composition d’huile de roulement sans zinc destinée à l’industrie métallurgique. Cette composition d’huile peut comprendre, en masse, par rapport à sa masse totale 0,05% à 2% d’un premier additif exempt de cendre à base de phosphore. Le document WO 2016/032246 décrit une composition lubrifiante présentant une excellente stabilité à la thermo-oxydation et une stabilité à la couleur. La composition peut comprendre un antioxydant secondaire à base de phosphore.

Le document US 3,983,046 décrit une composition ayant une bonne résistance au feu et des caractéristiques de viscosité adéquates. La composition comprend une combinaison d’au moins deux phosphates dont le second phosphate peut comprendre un alkyl diarylphosphate et au moins une combinaison de deux polyalkylène glycol (base ester).

Il existe ainsi un besoin dans l’état de la technique de développer des additifs anti usure alternatifs au tricrésylphosphate et à ses analogues tri-arylphosphates et ce, même si la nécessité de s’affranchir du tricrésylphosphate et de ses analogues tri-arylphosphates ne fait pas l’unanimité.

En particulier, il existe un besoin dans l’état de la technique de développer des additifs anti-usure alternatifs présentant à la fois un effet anti-usure satisfaisant et permettant d’augmenter le niveau de sécurité dans l’aviation et autres applications aérodérivées.

Exposé de l’invention

Dans ce cadre, la Demanderesse a démontré que des composés organophosphorés spécifiques, dont certains sont connus comme agents retardateurs de flamme, présentent à la fois des propriétés anti-usure et de stabilité thermique satisfaisantes, voire améliorées et une neurotoxicité fortement réduite au regard de celle des dérivés anti-usure triarylphosphates, tels que le TCP, voire nulle, et peuvent donc être avantageusement utilisés afin de réduire la neurotoxicité des huiles et en particulier des huiles de turbine.

Ils peuvent également avantageusement être utilisés pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, en particulier en cas d’événement de fumée.

Résumé de l’invention

Ainsi, la présente invention concerne l’utilisation d’au moins un composé de formule dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et A¾ est indépendamment un groupe aryle en tant qu’agent anti-usure dans une huile, de préférence une huile de turbine, pour réduire et/ou prévenir la neurotoxicité de ladite huile.

Les composés de formule (I) présentent des propriétés anti-usure intéressantes, qui peuvent être comparables à celles du tricrésylphosphate ou de ses analogues triarylphosphates. Ils présentent également un niveau de risque très faible, voire nul, en termes de neurotoxicité et réduisent ainsi la neurotocixité de l’huile dans laquelle ils sont intégrés. En effet, comme le montre les essais expérimentaux décrits ci-après, la Demanderesse a découvert, de manière inattendue, que les composés spécifiques de formule (I) ci-dessus sont non toxiques en termes d’action sur les cholinestérases, non neurotoxiques et non reprotoxiques.

Les composés polyphosphorés de formule (I) peuvent être ainsi utilisés pour obtenir une huile non-neurotoxique ou ayant une neurotoxicité réduite.

L’invention concerne également l’utilisation d’une huile comprenant au moins un composé de formule (I) dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et A¾ est indépendamment un groupe aryle en tant qu’agent anti-usure dans une huile, de préférence une huile de turbine, pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, de préférence en cas d’évènement de fumée.

Bien entendu, les différentes caractéristiques, variantes et formes de réalisation de l'invention peuvent être associées les unes avec les autres selon diverses combinaisons dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles ou exclusives les unes des autres.

Brève description des figures

[Fig.1 ] présente des molécules issues du travail de modélisation par les harmoniques sphériques : les composés de la ligne supérieure appartiennent au cluster 1, les composés de la ligne inférieure appartiennent au cluster 3 ou au cluster 4.

Description détaillée

Un premier objet de l’invention est l’utilisation d’au moins un composé de formule (I)

O

A 0 P ~-OAr,

OAr 2 dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de Ar1 et Ar2 est indépendamment un groupe aryle en tant qu’agent anti-usure dans une huile pour réduire et/ou prévenir la neurotoxicité de ladite huile, de préférence une huile de turbine.

« Par réduire » la neurotoxicité d’une huile, on entend que le ou les composés de formules (I) selon l’invention sont aptes et/ou configuré(s) pour diminuer la neurotoxicité d’une huile dans laquelle ils sont inclus, à savoir de par leur présence (généralement majoritaire), notamment par rapport à d’autres composés anti-usures classiques généralement neurotoxiques, le ou les composés de formule (I) permettent d’abaisser/diminuer la neurotoxicité d’une huile et d’obtenir une huile non-neurotoxique ou tout au moins à toxicité réduite.

« Par prévenir » la neurotoxicité d’une huile , on entend que le ou les composés de formule (I) permettent d’empêcher l’huile d’être considérée comme neurotoxique et/ou d’empêcher l’apparition de symptômes neurotoxiques chez un mammifère, tel qu’un être humain ou un animal qui serait en contact avec ladite huile ; ces symptômes neurotoxiques pouvant par exemple atteindre le système nerveux central (SNC) et présenter les effets suivants : des maux de tête, une perte d’appétit, une somnolence, des troubles de l’humeur et de la personnalité, des atteintes cognitives (troubles d’apprentissage et de concentration), ou atteindre le système nerveux périphériques (SNP) et présenter les effets suivants : atteintes motrices telles que faiblesse, tremblements, incoordination, convulsions, etc. ou atteintes sensorielles telles que diminution de l’audition, vision des couleurs, acouphènes, pertes d’équilibre, etc. ; ces effets pouvant être réversibles ou non en fonction du degré d’exposition aiguë ou chronique du mammifère.

« Par neurotoxicité », on entend la capacité que possède une substance ou un composé à induire des effets néfastes dans le système nerveux d’un mammifère, tel que l’être humain. Le système nerveux se divise en système nerveux central (SNC) et système nerveux périphérique (SNP). Le SNC est situé dans la boîte crânienne et la colonne vertébrale. Il comprend le cerveau, le tronc cérébral et la moelle épinière. Son rôle est de recevoir, enregistrer et interpréter les signaux qui lui parviennent de la périphérie. Il organise ensuite la réponse à envoyer. Le SNP est formé de ganglions nerveux, de nerfs sensitifs responsables de transmettre les sensations au cerveau, comme la douleur, et de nerfs moteurs responsables du mouvement en stimulant les muscles. Ils font circuler l’information entre le SNC et les organes. Ainsi, selon l’invention une substance ou composé neurotoxique agit habituellement en perturbant ou en paralysant l'influx nerveux, en agissant notamment sur les émetteurs ou les récepteurs synaptiques ou sur les enzymes qui agissent sur ces émetteurs ou ces récepteurs synaptiques, tels que les cholinestérases. En biochimie, une cholinestérase est une enzyme qui catalyse la réaction d'hydrolyse d'un ester de la choline (acétylcholine, butyrylcholine) en choline et en acide acétique. En physiologie, cette réaction est nécessaire pour permettre aux récepteurs cholinergiques de revenir à leur état de repos après activation.

En particulier « la neurotoxicité» se distingue de la notion plus large et globale de «toxicité».

En effet, la « toxicité » est une notion assez large qui inclut notamment :

- la reprotoxicité qui correspond à l’altération de la fertilité ou altération du mammifère à naître), - la mutagénicité qui est la propension d’une substance à provoquer des mutations génétiques, -

- la toxicité aigüe est la toxicité induite, dans un court laps de temps (ex 24 h), par l’administration d’une dose unique (éventuellement massive) ou de plusieurs doses acquises dans ce laps de temps d'un produit ou mélange toxique (naturel ou chimique),

- l’écotoxicité qui est l’ensemble des déséquilibres ou de nuisances provoqués par une activité industrielle ou la mise en place d'un corps, d'un produit étranger dans un environnement naturel ;

- la neurotoxicité telle que définit ci-dessus.

Or, comme les essais expérimentaux le démontrent ci-après, un composé peut, par exemple, ne pas être reprotoxique, ne montrer aucun signe de toxicité aiguë, voire ne montrer aucun caractère CMR (caractère cancérogène, mutagène, ou toxique pour la reproduction) sur la santé humaine et être cependant fortement neurotoxique (ou inversement).

Dans la présente demande, la Demanderesse a démontré que de manière inattendue et de façon surprenante, certains composés phosphorés spécifiques de formule (I) ci-dessus et en particulier ceux comprenant un groupe diphénylphosphate présentaient à la fois d’excellente propriété anti-usure adaptée notamment au domaine exigeant de l’aéronautique, tout en étant faiblement voire pas du tout neurotoxique. Cette dernière qualité permet ainsi de réduire et/ou prévenir la neurotoxicité d’une huile dans laquelle ils sont intégrés,

Ces essais montrent également que les composés de formule (I) sélectionnés par la Demanderesse ne sont pas arbitraires et présentent un effet technique différent (à savoir ils permettent de réduire/prévenir la neurotoxicité d’une huile) par rapport à d’autres composés anti-usure, notamment par rapport à d’autres composés anti-usure également phosphoré.

Pour la présente invention, la Demanderesse a démontré la non-neurotoxicité des composés spécifiques de formule (I) à la fois par des essais expérimentaux in vitro portant sur les cholinestérases et par des essais de modélisation (modélisation moléculaire 3D par harmoniques sphériques et modélisation par OSAR pour la neurotoxicité et pour la reprotoxicité).

De préférence, la concentration inhibitrice à 50% dudit au moins composé de formule (I) sur l’activité biologique d’une enzyme acétylcholinestérase (AChE), nommée ICsohAChE est supérieure ou égale à 15 mg/L et l’activité sur une enzyme butyrylcholinestérase, nommée IC 50 eqBuChE est supérieure ou égale à 15 mg/L, de préférence égale ou supérieure à 20 mg/L, en particulier égale ou supérieure à 25 mg/L et typiquement égale ou supérieure à 30 mg/L.

Selon l’invention, une valeur supérieure ou égale à 15 mg/L pour ICsohAChE inclut les valeurs suivantes et tous les intervalles entre ces valeurs : 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 22 ; 23 ; 24 ; 25 ; 26 ; 27 ; 28 ; 29 ; 30 ; 31 ; 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ; 38 ; 39 ; 40, etc. Également, selon l’invention, une valeur supérieure ou égale à 15 mg/L pour IC50 eqBuChE inclut les valeurs suivantes et tous les intervalles entre ces valeurs : 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 22 ; 23 ; 24 ; 25 ; 26 ; 27 ; 28 ; 29 ; 30 ; 31 ; 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ; 38 ; 39 ; 40, ; 45 ; 50 ; 55 ; 60 ; 65 ; 70 ; 75 ; 80 ; 85 ; 90 ; 95 ; 100 ; 105 ; 110 ; 115 ; 120 ; 125 ; 130 ; 135 ; 140 ; 145 ; 150 ; 155 ; 160 ; etc.

Avantageusement, le ou les composés de formule (I) appartiennent au Cluster 3 ou au Cluster 4, en particulier au Cluster 4 déterminé selon la modélisation moléculaire par harmoniques sphériques telle que décrite dans la publication « Benchmarking of HPCC: A novel 3D molecular représentation combining shape and pharmacophoric descriptors for efficient molecular similarity assessments », Karaboga et al. 2013 Journal of Molecular Graphics and Modelling 41 ; 20-30.

Selon une autre caractéristique de l’invention, le ou les composés de formule (I) présentent une valeur en pourcentage par modélisation QSAR (relation structure-activité quantitative) (de l’anglais « Quantitative Structure Activity Relationship ») inférieure ou égale à 0,70 pour la mesure de la neurotoxicité et inférieure ou égale à 1,5, de préférence inférieure ou égale à 1,15 et typiquement inférieure ou égale à 0,7 pour la mesure sur la reprotoxicité.

Ainsi, les composés de formule (I) selon l’invention présente un niveau de risque en termes de neurotoxicité qui est très bas et qui correspond généralement à un score de 0 ou à un score de 1 (risque très faible ou inexistant de neurotoxicité), de préférence à un score de 0.

Le niveau de risque tel que défini ci-dessus et illustré également dans la partie expérimentale ci-après est très exhaustif et englobe l’ensemble des données obtenus via les différents essais sur la neurotocixité décrits ci-dessus et englobe donc aussi bien des essais in vitro que des essais de modélisation 3D.

En particulier, le niveau de risque tient compte de tous les essais suivants :

- le test in vitro d’inhibition de l’acétylcholinestérase (AChE),

- le test in vitro d’inhibition de la butyrylcholinestérase (BuChE),

- le type de cluster tenant compte de la forme et de la fonctionnalité des harmoniques sphériques (modélisation 3D),

- la prédiction semi-empirique de la neurotoxicité, et

- la prédiction semi-empirique de la reprotoxicité.

Par « huile », on désigne dans la présente invention toute substance organique, notamment toute huile hydraulique ou de turbine, susceptible de créer une pollution sous forme de gaz et/ou d’aérosol en cabine. Dans certains modes de réalisation, l’huile est choisie dans le groupe constitué par les huiles pour turbines d’avions ou aérodérivées, les huiles de transmission pour hélicoptère et les fluides pour armes. De préférence, dans la présente invention, l’huile est une huile pour turbines d’avion ou aérodérivées. Par « groupe alkyle » du groupement « A », on désigne un groupe hydrocarboné saturé linéaire ou ramifié. Les groupes alkyles comprennent de 10 à 32 atomes de carbone (Cio à C32). Selon une première caractéristique de l’invention, les groupes alkyles comprennent de 10 à 20 atomes de carbone (C10 à C20), de préférence de 10 à 15 atomes de carbone et en particulier de 10 à 12 atomes de carbones. Selon une autre caractéristique de l’invention, les groupes alkyles comprennent de 20 à 32 atomes de carbone, de préférence de 15 à 32 atomes de carbone et typiquement de 16 à 32 atomes de carbones. Parmi les exemples de groupes alkyles selon l’invention, on peut citer notamment les groupes décyle, isodécyle, dodécyle, isododécyle, octadécyle, 2-butyloctyle, 2-hexyldécyle, 2-octyldodédyle et 2-tétradécyloctadécyle.

Un groupe alkyle selon l’invention peut être éventuellement substitué. Par « groupe alkyle substitué » selon l’invention, on désigne une chaîne hydrocarboné saturé linéaire ou ramifié, comprennent de 10 à 32 atomes de carbone (C10 à C32) substituée au niveau d’un ou plusieurs de ses atomes, par au moins un substituant choisi dans le groupe constitué par les groupes alkyles en Ci à C18, le groupe hydroxyle OH, un groupe amine NH2 ou primaire NHR avec R groupe alkyle ou aryle, un groupe O-phosphate tel que le groupe O-diphénylphosphate, et les atomes d’halogène.

La substitution des groupes alkyles ou aryles dans les composés selon la présente invention par chaque type de substituant permet de conférer au composé des propriétés souhaitées. Par exemple, la substitution par des atomes d’halogène pourrait permettre une amélioration des effets extrême-pression et/ou anti-usure des composés.

De préférence, le « groupe alkyle » n’est pas substitué.

Par « groupe aryle », on désigne un groupe monocyclique ou polycyclique aromatique carboné, éventuellement interrompu par un ou plusieurs hétéroatomes pouvant notamment être choisis dans le groupe constitué par un atome d’azote, un atome d’oxygène, et un atome de soufre. Chaque cycle aromatique ou polyaromatique comprend 5 à 14 atomes. Chaque cycle peut être éventuellement substitué, au niveau d’un ou plusieurs de ses atomes, par au moins un substituant choisi dans le groupe constitué par les groupes alkyles en Ci à C18, de préférence un groupe alkyle linéaire ou ramifié en Ci à C10OU un groupe alkylène en Ci à C18 comprenant un groupe perfluoré, un groupe hydroxyle OH, un groupe amine primaire NH2 ou secondaire NHR avec R groupe alkyle ou aryle, un groupe O-phosphate tel que le groupe O- diphénylphosphate 0-P(=0)(0Ph) 2 , un groupe ester et/ou des atomes d’halogène.

En général, le cycle aromatique ou polyaromatique, tel que décrit ci-dessus n’est pas substitué ou n’est substitué que par un ou plusieurs groupes alkyles linéaires ou ramifiés en Ci à C18, de préférence en Ci à C10, en particulier de Ci à C10, typiquement en Ci à C3 . Lorsque le groupe aryle est un groupe polycyclique dans lequel au moins deux cycles sont reliés par au moins une liaison covalente entre deux atomes distincts appartenant chacun à un des cycles, la liaison covalente entre les deux cycles peut être interrompue par au moins un groupe alkyle tel qu’un groupe C(CH3)2, un groupe carbonyle ou un hétéroatome ou groupe hétéroatomique tel qu’un atome d’oxygène, un atome de soufre, un groupe amine NH ou NR ou un groupe sulfite 0S(=0)0.

Parmi les exemples de groupes aryles monocycliques, on peut citer notamment le groupe phényle.

Par « atome d’halogène », on désigne un atome choisi dans le groupe constitué par le chlore, le brome, le fluor et l’iode.

Dans un mode de réalisation, « A » est choisi dans le groupe constitué par un groupe isodécyle, un groupe dodécyle, notamment un groupe n-dodécyle, un groupe tridécyle, notamment un groupe iso-tridécyle, un groupe hexadécyle, un groupe octadécyle, un groupe 2-butyl 1-octyle, un groupe 2-hexyl 1-décyle, un groupe 2-octyl 1 -dodécyle et un groupe 2- tétradécyl 1 -octadécyle.

Dans un mode de réalisation particulier, « A » est choisi parmi un groupe isodécyle, un groupe dodécyle, notamment un groupe n-dodécyle, et un groupe 2-octyl 1 -dodécyle.

« A » est de préférence un groupe isodécyle.

Dans un mode de réalisation, « A et A¾ » sont indépendamment un phényle non substitué ou un phényle substitué, de préférence substitué par au moins un substituant ester ou un substituant alkyle tel qu’un groupe méthyle, un groupe éthyle, un groupe isopropyle ou un groupe tert-butyle. De façon préférée, A et A¾ sont deux phényles non substitués. Dans un mode de réalisation alternatif, A et A¾ sont deux phényles substitués, de préférence par un substituant alkyle tel qu’un groupe méthyle.

Dans un mode de réalisation, le composé de formule (I) est choisi dans le groupe constitué par l’isodécyldiphénylposphate, le n-dodécyldiphénylphosphate, l’iso- tridécyldiphénylphosphate, l’hexadécyldiphénylphosphate, l’octadécyldiphénylphosphate, le 2-butyl 1-octyldiphénylphosphate, le 2-hexyl 1-décyldiphénylphosphate, le 2-octyl 1- dodécyldiphénylphosphate, le 2-tétradécyl 1-octadécyldiphénylphosphate, et l’un quelconque de leurs mélanges.

Dans un mode de réalisation, le composé de formule (I) est choisi dans le groupe constitué par l’isodécyldiphénylphosphate, le n-dodécyldiphénylphospate, le 2-octyl 1- dodécyldiphénylphosphate et l’un quelconque de leurs mélanges.

Dans un mode de réalisation, le composé de formule (I) est l’isodécyldiphénylphosphate. Il peut être présent dans l’huile en tant qu’agent anti-usure en mélange avec au moins un autre composé de formule (I). Alternativement, l’isodécyldiphénylphosphate est le seul composé de formule (I) compris dans l’huile. Dans un mode de réalisation, l’isodécyldiphénylphosphate est le seul agent anti-usure présent dans l’huile. L’huile dans laquelle le composé de formule (I) est utilisé en tant qu’agent anti-usure ne comprend de préférence pas de tricrésylphosphate. Dans un mode de réalisation, elle ne comprend substantiellement pas de tricrésylphosphate.

Dans un autre mode de réalisation, l’huile contient comme seul(s) agent(s) anti-usure le ou les composés de formule (I).

En général, l’agent anti-usure selon l’invention de formule générale (I) représente, en masse, par rapport à la masse totale des agents anti-usure présents dans l’huile, de 50% à 100%, de préférence de 80% à 100%, et en particulier de 90% à 100% et typiquement 100%.

Selon l’invention, par « 50% à 100% », on entend les valeurs suivantes ou tout intervalle compris entre ces valeurs : 50 ; 55 ; 60 ; 65 ; 70 ; 75 ; 80 ; 85 ; 90 ; 95 ; 100.

Dans certains modes de réalisation, l’huile dans laquelle le composé de formule (I) est utilisé selon l’invention ne comprend substantiellement pas, de préférence ne comprend pas, d’additif anti-usure triarylphosphate.

Dans certains modes de réalisation, l’huile dans laquelle le composé de formule (I) est utilisé selon l’invention ne comprend substantiellement pas, de préférence ne comprend pas, d’additif anti-usure organophosphate autre que le ou les composés de formule (I).

Dans certains modes de réalisation, l’huile dans laquelle le composé de formule (I) est utilisé selon l’invention ne comprend substantiellement pas, de préférence ne comprend pas, d’autre additif anti-usure que le ou les composés de formule (I).

L’huile est de préférence une huile pour turbines d’avion ou aérodérivées.

L’utilisation d’au moins un composé de formule (I) en tant qu’agent anti-usure afin de réduire et/ou prévenir et/ou empêcher la neurotoxicité d’une huile est particulièrement avantageuse dans des situations où des individus sont susceptibles d’être exposés à l’huile. En effet, les composés de formule (I) présentent, comme démontré dans la présente invention, un niveau de risque très faible, voire nul, en termes de toxicité, notamment en termes de neurotoxicité, voire même de reprotoxicité, et sont donc de bonnes alternatives aux agents anti-usure classiques, tels que le tricrésylphosphate et ses analogues triarylphosphates qui sont connus pour être neurotoxiques et reprotoxiques.

Aussi, dans un autre mode de réalisation, l’utilisation du au moins un dérivé de formule (I) en tant qu’agent anti-usure dans une huile est pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, notamment en cas d’évènement de fumée.

Dans un mode de réalisation particulier, l’utilisation du au moins un dérivé de formule (I) en tant qu’agent anti-usure dans une huile pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique en cas d’évènement de fumée. Par exemple, l’utilisation du au moins un dérivé de formule (I) en tant qu’agent anti-usure dans une huile peut être pour lubrifier au moins une turbine d’avion ou aérodérivée, pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, notamment en cas d’évènement de fumée. De préférence, la concentration inhibitrice à 50% dudit au moins composé de formule (I) sur l’activité biologique d’une enzyme acétylcholinestérase (AChE), nommée ICsohAChE est supérieure ou égale à 15 mg/L et l’activité sur une enzyme butyrylcholinestérase, nommée IC50 eqBuChE est supérieure ou égale à 15 mg/L, de préférence égale ou supérieure à 20 mg/L, en particulier égale ou supérieure à 25 mg/L et typiquement égale ou supérieure à 30 mg/L.

Selon l’invention, une valeur supérieure ou égale à 15 mg/L pour ICsohAChE inclut les valeurs suivantes et tous les intervalles entre ces valeurs : 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 22 ;

23 ; 24 ; 25 ; 26 ; 27 ; 28 ; 29 ; 30 ; 31 ; 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ; 38 ; 39 ; 40, etc.

Également, selon l’invention, une valeur supérieure ou égale à 15 mg/L pour IC50 eqBuChE inclut les valeurs suivantes et tous les intervalles entre ces valeurs : 15 ; 16 ; 17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 22 ; 23 ; 24 ; 25 ; 26 ; 27 ; 28 ; 29 ; 30 ; 31 ; 32 ; 33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ;

38 ; 39 ; 40, ; 45 ; 50 ; 55 ; 60 ; 65 ; 70 ; 75 ; 80 ; 85 ; 90 ; 95 ; 100 ; 105 ; 110 ; 115 ; 120 ;

125 ; 130 ; 135 ; 140 ; 145 ; 150 ; 155 ; 160 ; etc.

Avantageusement, le ou les composés de formule (I) appartiennent au Cluster 3 ou au Cluster 4, préférentiellement au Cluster 3 déterminé selon la modélisation moléculaire par harmoniques sphériques telle que décrite dans la publication « Benchmarking of HPCC: A novel 3D molecular représentation combining shape and pharmacophoric descriptors for efficient molecular similarity assessments », Karaboga et al. 2013 Journal of Molecular Graphics and Modelling 41 ; 20-30.

Selon une autre caractéristique de l’invention, le ou les composés de formule (I) présentent une valeur en pourcentage (%) par modélisation QSAR (relation structure-activité quantitative) (de l’anglais « Quantitative Structure Activity Relationship ») inférieure ou égale à 0,70% pour la mesure de la neurotoxicité et inférieure ou égale à 3%, de préférence inférieure ou égale à 1 ,5% et typiquement inférieure ou égale à 0,15%, de préférence inférieure ou égal à 0,7% pour la mesure sur la reprotoxicité.

Bien entendu, les différents modes de réalisation décrits ci-avant pour l’utilisation des composés de formule (I) en tant qu’agents anti-usure pour réduire et/ou prévenir la neurotoxicité d’une huile s’appliquent également à l’utilisation de ces composés de formule (I) pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, notamment en cas d’événement de fumée, et à l’huile en tant que telle.

Par « prophylaxie du syndrome aérotoxique », on désigne la diminution de l’occurrence et/ou de l’intensité, voire la quasi-disparition ou la disparition totale, d’au moins un symptôme identifié comme étant lié à une exposition aiguë ou chronique des individus à de l’air de cabine d’avion contaminé par des huiles telles que des huiles de turbine ou des huiles hydrauliques sous forme de gaz et/ou d’aérosols. Dans certains modes de réalisation, la prophylaxie du syndrome aérotoxique désigne la diminution de l’occurrence, voire la quasi- disparition ou la disparition totale, de plusieurs symptômes, de préférence de tous les symptômes, identifiés comme étant liés à une exposition aiguë ou chronique des individus à de l’air de cabine d’avion contaminé par des huiles, telles que des huiles de turbine ou des huiles hydrauliques sous forme de gaz et/ou d’aérosols.

En particulier, le symptôme peut être un symptôme neurologique, neurocomportemental, neuromoteur et/ou lié à la reproduction. Parmi les symptômes dont l’occurrence et/ou l’intensité peut être diminuée par l’utilisation selon l’invention, on peut citer par exemple des troubles psychologiques ou psychosomatiques, un syndrome de fatigue chronique, des migraines sévères, une sensibilité chimique multiple, des infections virales mystérieuses, des troubles du sommeil, la dépression, le stress et l’anxiété.

Par « évènement de fumée », on désigne l’exposition aiguë ou chronique, de préférence aiguë, d’au moins un individu à de l’air de cabine d’avion contaminé par des huiles telles que des huiles de turbine ou des huiles hydrauliques sous forme de gaz et/ou d’aérosol. Un évènement de fumée, s’il est important, peut notamment être détecté par la perception d’une odeur caractéristique désagréable, typique de « chaussettes sales » ou de « chien mouillé ». Dans les cas les plus sévères, par exemple suite à la casse d’un roulement dans la turbine, une fumée ou un épais brouillard blanc pourra être visible.

Par « une huile ne comprenant pas de tricrésylphosphate », on désigne une huile dans laquelle la quantité de tricrésylphosphate, quel que soit son type de substitution (ortho, méta, para) est inférieure à la limite de détection des techniques d’analyse usuelles telles que la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse par exemple. Une technique adaptée pour la détection du tricrésylphosphate dans une huile est décrite par exemple dans De Nola G. ét al. J. Chromatogr. A 2008 ; 1200 (2), p.211-216.

Dans le cas des turbines aérodérivées, la pathologie désignée par les termes « syndrome aérotoxique » est une pathologie comportant au moins en partie les mêmes symptômes neurologiques et sur la reproduction que ceux observés dans les avions pour le syndrome aérotoxique, mais qui est contracté par exposition aux organophosphates, tels que le tricrésylphosphate dans des installations comportant des turbines industrielles au sol telles que des plateformes offshores.

L’invention permet ainsi de former une huile comprenant au moins un composé de formule (I) dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de Ar1 et Ar2 est indépendamment un groupe aryle, ayant une faible, voire quasi nulle neurotoxicité.

Cette huile peut être également utilisée pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique. Dans un autre mode de réalisation, l’huile est pour son utilisation pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique en cas d’événement de fumée.

En particulier, l’huile pour son utilisation pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique, notamment en cas d’événement de fumée, est une huile pour lubrifier des turbines d’avion ou aérodérivées.

La composition de l’huile convenant pour l’invention va être décrite ci-après.

Le terme « substantiellement pas » tel qu’utilisé dans la présente invention désigne des quantités inférieures à 0,1% en poids par rapport au poids total de l’huile, de préférence inférieures à 0,05%, en particulier inférieures à la limite de détection des techniques de détection.

Les composés de formule (I) sont présents dans l’huile dans la présente invention en une quantité telle que celles classiquement utilisées dans l’art. Par exemple, ils peuvent être utilisés en une quantité de 0,1 à 10% en poids, de préférence 0,5 à 5% en poids, par rapport au poids total de l’huile.

L’huile selon l’invention comprend de préférence une base ester, au moins un antioxydant aminé, et au moins un additif anti-usure de formule (I).

Dans certains modes de réalisation, l’huile selon l’invention comprend également au moins un autre additif. L’au moins un autre additif peut notamment être choisi dans le groupe constitué par des agents lubrifiants, d’autres additifs anti-usure, des antioxydants, des inhibiteurs de corrosion de métaux, des passivants, des agents améliorant l’indice de viscosité, des détergents ou agents dispersants, des agents anti-mousse, des tensioactifs, des agents gonflants, des agents tackifiants, des stabilisants, des agents de charge, des agents de stabilisation contre l’hydrolyse, des additifs adaptés aux pressions extrêmes, des pigments et des agents qui masquent les odeurs. De tels additifs et agents sont bien connus de l’homme du métier et sont couramment disponibles dans le commerce.

La base ester est une base ester classique, bien connue dans l’art. Il s’agit typiquement d’une huile synthétique qui peut être choisie parmi les esters de mono-alcool ou de polyol, de préférence de polyol, avec un réactif acide mono ou dicarboxylique.

Des polyols particulièrement adaptés sont les néo-polyols tels que le néopentylglycol, le 2-éthyl 2-méthylpropane 1,3-diol, le triméthyloléthane, le triméthylolpropane, le triméthylolbutane et le mono-, di- ou tri-pentaérythritol.

Comme autre polyol adapté, on peut citer n’importe quel polyol de formule

R(0H)„ dans laquelle R est un groupement hydrocarboné aliphatique linéaire, ramifié ou cyclique éventuellement substitué et p est un entier supérieur ou égal à 2. Le polyol peut être choisi dans le groupe constitué par le 2-éthyl-1,3-hexanediol, le 2-propyl-3,3-heptanediol, le 2-butyl-1 ,3-butanediol, le 2,4-dimethyl-1,3-butanediol, l’éthylène glycol, le propylène glycol et les polyalkylène glycols.

Des mono-alcools particulièrement adaptés sont les néo-alcools tels que le 2,2,4- triméthylpentanol et le 2,2-diméthylpropanol. Alternativement, le mono-alcool peut être choisi dans le groupe constitué par les alcools méthylique, butylique, isooctylique et octadécylique.

Le réactif acide carboxylique utilisé pour former l’ester avec le polyol ou le mono-alcool peut être choisi parmi les acides carboxyliques aliphatiques éventuellement substitués comprenant une ou deux fonctions acides carboxyliques ou un quelconque de leurs mélanges. L’homme du métier saura sélectionner les acides carboxyliques à utiliser en fonction des propriétés désirées pour l’ester et du mono-alcool ou du polyol utilisé.

Parmi les bases esters susceptibles d'être contenues dans une huile selon l'invention, on peut citer les monoesters d'acétate d'octyle, d'acétate de décyle, d'acétate d'octadécyle, de myristate de méthyle, de stéarate de butyle, d'oléate de méthyle, ainsi que les polyesters de phthalate de dibutyle, d'adipate de di-octyle, d'azélate de di-2- éthylhexyle et de sébacate d'ethylhexyle. L'huile de base du type ester de polyol peut être une huile préparée à partir de pentaérythritol technique ou de triméthylol propane et d'un mélange d'acides carboxyliques ayant de 4 à 12 atomes de carbone. Le pentaérythritol technique est un mélange qui comprend environ de 85% à 92% en poids de monopentaérythritol et de 8% à 15% en poids de dipentaérythritol.

Un pentaérythritol technique classique du commerce contient environ 88% en poids de monopentaérythritol et environ 12% en poids de dipentaérythritol, par rapport au poids total de ladite huile de base du type ester. Le pentaérythritol technique peut contenir également une certaine quantité de tri- et tétra-pentaérythritols qui sont habituellement formés comme sous-produits au cours de la production du pentaérythritol technique.

Les antioxydants aminés aromatiques sont bien connus dans l’art et peuvent être des antioxydants aminés aromatiques monomériques ou polymériques, appartenant à la famille des amines aromatiques et/ou des composés phénoliques.

Les antioxydants aminés aromatiques monomériques peuvent comprendre notamment au moins une diphénylamine non substituée ou substituée par au moins un groupe hydrocarboné, au moins une naphthylphénylamine non substituée ou substituée par au moins un groupe hydrocarboné, au moins une phénothiazine non substituée ou substituée par au moins un groupe hydrocarboné, ou un mélange quelconque de celles-ci. Les groupes hydrocarbonés substituant les amines sont des groupes alkyles en Ci à C30, ou du styrène.

Les antioxydants aminés aromatiques polymériques sont les produits de polymérisation des antioxydants aminés aromatiques tels que définis ci-avant, soit entre eux, soit en présence d’un co-monomère différent. Des exemples d’antioxydants aminés aromatiques oligomériques ou polymériques pouvant être utilisés dans des huiles selon l’invention sont notamment décrits dans les demandes de brevets FR 2 924 122 et WO 2009/071857.

La présente invention peut ainsi porter sur un procédé de fabrication d’une huile non- neurotoxique ou présentant une neurotoxicité fortement réduite (en comparaison avec des huiles à base de tricrésylphosphate et de ses analogues ou à base d’autres composés phosphorés neurotoxiques) utilisée notamment pour lubrifier des dispositifs/des machines, tels que des turbines d’avions ou aérodérivés, comprenant l’étape suivante : incorporer à une huile de base, telle qu’une huile ester, au moins un agent anti-usure, caractérisé en ce que ledit au moins agent anti-usure est sélectionné parmi au moins un composé de formule (I) dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et A¾ est indépendamment un groupe aryle et présentant notamment un niveau de risque en terme de neurotoxicité de 0.

Bien entendu, les différents modes de réalisation décrits ci-avant pour l’utilisation des composés de formule (I) pour prévenir et/ou réduire la neurotoxicité d’une huile ou pour la composition d’huile s’appliquent également pour ce procédé de fabrication d’une huile et ne seront pas reprises ci-après.

La présente invention peut ainsi porter sur un procédé de lubrification d’une machine/d’un dispositif, tel(le) que des turbines d’avions ou aérodérivés, comprenant les étapes suivantes :

- fournir une huile non-neurotoxique ou à toxicité très réduite (niveau de risque à un score de 0), de préférence exempte de tricrésyl phosphate et/ou de ses analogues, ladite huile comprenant au moins un agent anti-usure sélectionné parmi un composé de formule (I) dans laquelle A est un groupe alkyle linéaire ou ramifié comprenant de 10 à 32 atomes de carbone, et chacun de A et Ar å est indépendamment un groupe aryle et présentant notamment un niveau de risque en terme de neurotoxicité de 0,

- appliquer une quantité efficace de ladite huile sur ladite machine/ledit dispositif.

Bien entendu, les différents modes de réalisation décrits ci-avant pour l’utilisation des composés polyphosphorés pour prévenir et/ou réduire la neurotoxicité d’une huile ou pour la composition d’huile s’appliquent également pour ce procédé de lubrification et ne seront pas reprises ci-après.

Exemples

Exemple 1 : Etude de toxicité et en particulier de neurotoxicité

Les composés de formule (I) selon l’invention ont été étudiés et comparés à d’autres composés phosphorés, notamment au TCP, en termes d’inhibition de cholinestérases, de modélisation moléculaire 3D par harmoniques sphériques, et en termes de modélisation QSAR pour la neurotoxicité et pour la reprotoxicité. La corrélation des résultats obtenus a permis de déterminer un « niveau de sécurité » pour l’utilisation de ces composés en tant qu’agents anti-usure dans des huiles pour turbines d’avion ou aérodérivées.

Protocole des différents tests réalisés :

Mesure des concentrations inhibitrices sur deux cholinestérases :

Dans la mesure où l’activité toxique du TCP passe notamment par son action sur les cholinestérases, l’effet des composés utilisés selon l’invention, ainsi que des composés comparatifs, sur deux cholinestérases a été étudié. Les valeurs de concentration nécessaires de chaque composé pour inhiber 50% de l’activité de deux cholinestérases ont été mesurées. Plus la concentration inhibitrice à 50% (IC50) est élevée, moins le composé est neurotoxique puisqu’il a une action plus faible sur la cholinestérase.

La capacité inhibitrice des composés sur l’activité biologique de l’acétylcholinestérase (AChE) et de la butyrylcholinestérase (BuChE) a été évaluée en utilisant la méthode spectrométrique de Ellman (Ellman étal., Biochem. Pharm. 1961, 7, 88-95).

L’iodure d’acétylthiocholine et de butyrylthiocholine, et l’acide 5,5-dithiobis (2- nitrobenzoïque) (DTNB) ont été achetés auprès de Sigma Aldrich (Steinheim, Allemagne).

La BuChE lyophilisée à partir de sérum équin (eqBuChE, Sigma Aldrich) a été dissoute dans un tampon phosphate à 0,1M (pH 7,4) pour obtenir des solutions stock d’enzyme avec une activité enzymatique de 2,5 unités/mL. L’AChE d’érythrocytes humains (hAChE, solution tampon aqueuse, ³500 unités/mg de protéine (BCA), Sigma Aldrich) a été diluée dans un tampon HEPES à 20 mM à pH 8 avec 0,1% de Triton X-100 pour obtenir une solution enzymatique avec une activité enzymatique de 0,25 unités/mL.

Dans la procédure, 100 pL de DTNB à 0,3 mM dissous dans un tampon phosphate à pH 7,4 ont été ajoutés dans les plaques 96-puits, suivis par 50 pL de solution du composé à tester et de 50 pL d’enzyme (0,05 U finale). Après 5 minutes de pré-incubation à 25°C, la réaction a été initiée par injection de 50 pL de solution d’iodure d’acétyl ou de butyrylthiocholine à 0,1 mM. L’hydrolyse de l’acétyl ou de la butyrylthiocholine a été suivie par la formation de l’anion 5-thio 2-nitrobenzoate jaune, en tant que produit de la réaction du DTNB avec la thiocholine relarguée par l’hydrolyse enzymatique de l’acétyl ou de la butyrylthiocholine, à une longueur d’onde de 412 nm, en utilisant un lecteur de microplaques (Synergy 2, Biotek, Colmar, France). Les composés à tester ont été dissous à 5x10 3 M dans du DMSO de grade analytique. Le Donepezil ou la tacrine ont été utilisés comme standards de référence. Le taux d’augmentation d’absorption à 412 nm a été déterminé 4 minutes après l’ajout de la solution d’iodure d’acétyl ou butyrylthiocholine. Les essais ont été réalisés avec un blanc contenant tous les composés à l’exception de l’acétyl ou butyrylthiocholine, afin de tenir compte des réactions non enzymatiques.

Le pourcentage d’inhibition dû à la présence des composés à tester a été calculé par l’expression suivante :

[Math 1]

((v0 - vi) / vO) x 100 dans laquelle v, est le taux calculé en présence de l’inhibiteur, et vo est l’activité enzymatique.

Les valeurs d’ICso ont été déterminées graphiquement en traçant le pourcentage d’inhibition en fonction du logarithme de six concentrations d’inhibiteur dans la solution d’essai en utilisant le logiciel GraphPadPrism (version 6.01, GraphPad Software, La Jolla, CA, USA). Toutes les expériences ont été réalisées en n=3.

Modélisation moléculaire par harmoniques sphériques

La méthode de modélisation 3D employée dans l’invention est décrite dans la publication : « Benchmarking of HPCC: A novel 3D molecular représentation combining shape and pharmacophoric descriptors for efficient molecular similarity assessments », Karaboga étal. 2013 Journal of Molecular Graphics and Modelling 41 ; 20-30.

Deux clusters (clusters 1 et 2) ont été définis par similarité à partir notamment de composés monophosphates connus pour être toxiques.

L’étude des composés de formule (I) utilisés selon l’invention a mis en évidence leur appartenance à des clusters différents (clusters 3 et 4), associés à des molécules non toxiques.

Modélisation par QSAR

Les degrés de neurotoxicité et de reprotoxicité de composés utilisés selon l’invention et d’autres composés monophosphates ont été évalués par modélisation QSAR (relation structure-activité quantitative).

Sélection des jeux d’entraînement et de validation

Le jeu d’entraînement a été défini avec des structures chimiques compilées à partir de plusieurs sources publiquement disponibles : HSBD (Hazardous Substances Data Bank), EPA (U. S. Environmental Protection Agency), l’ECHA (European Chemicals Agency) et NTP (National Toxicology Program). 247 composés ont été classifiés comme composés neurotoxiques, 2214 composés ont été classifiés comme composés reprotoxiques, et 1697 composés ont été classifiés comme ni neurotoxiques ni reprotoxiques et formant le jeu d’entraînement non toxique. Le jeu de validation a été construit en utilisant des composés issus de jeux de données différents de ceux utilisés pour le jeu d’entraînement. Les molécules déjà présentes dans le jeu d’entraînement ont été retirées. Le jeu de validation était composé de 70 composés classifiés comme composés neurotoxiques, 506 composés classifiés comme reprotoxiques et 256 composés classifiés comme ni neurotoxiques ni reprotoxiques et formant le jeu de validation non toxique.

Performance du modèle QSAR

Une méthode de modèle linéaire généralisé (GLM) a été choisie pour réaliser une approche de relation structure/activité quantitative (QSAR). Les modèles GLM ont été entraînés séparément pour discriminer les structures chimiques (i) entre composés neurotoxiques et non-neurotoxiques et (ii) entre composés reprotoxiques et non-reprotoxiques. Cette approche a résulté en un modèle GLM avec 210 descripteurs significatifs au sein des jeux d’entraînement. Pendant l’entraînement, la performance des modèles QSAR a été mesurée par des courbes ROC (Receiver Operator Characteristic) et a donné naissance à des valeurs d’aire sous la courbe (AUC) de 0,90 et plus pour la prédiction de la neurotoxicité et de la reprotoxicité, respectivement.

Pour valider la robustesse des modèles QSAR, ils ont été ensuite utilisés pour prédire (i) les catégories de neurotoxicité des composés du jeu de validation (c’est-à-dire la catégorisation neurotoxiques/non neurotoxiques), (ii) les catégories de reprotoxicité des composés du jeu de validation (c’est-à-dire la catégorisation reprotoxiques/non reprotoxiques). Pendant la validation, la performance des modèles QSAR a été mesurée par des valeurs d’aire sous la courbe (AUC) et a fourni des valeurs significatives de 0,70 et plus pour la prédiction de la neurotoxicité et de la reprotoxicité, respectivement.

Les modèles QSAR basés GLM ont été ensuite utilisés pour étudier les composés diphosphorés aryliques selon l’invention.

Synthèse des composés de formule (I)

Dans un ballon tétracol équipé d’un barreau aimanté, d’un réfrigérant, d’une ampoule de coulée, d’une gaine thermométrique et d’un barboteur d’azote ont été introduits 1 équivalent molaire du réactif alcool et 2 équivalents molaires de triéthylamine. Le milieu réactionnel a été dilué avec du toluène, environ 10 volumes par rapport au réactif alcool. Suivant la nature du réactif alcool, le milieu réactionnel a été chauffé entre 25 et 90°C puis, à l’aide de l’ampoule de coulée, 1 équivalent molaire de chlorure de diarylphosphate a été introduit goutte à goutte. A la fin de la réaction, le sel de triéthylamine formé a été éliminé par filtration puis lavé avec 5 volumes d’acétate d'éthyle. Le filtrat a été ensuite lavé deux fois avec une solution de HCl à 0,1 N, deux fois avec une solution de KOH à 0,1 N puis à l’eau jusqu'à pH neutre. La phase organique a ensuite été séchée avec MgS0 4 , filtrée puis concentrée sous pression réduite. Le brut réactionnel ainsi obtenu a été purifié soit par chromatographie sur gel de silice, soit par extraction liquide-liquide, soit par précipitation. Les phosphates ainsi obtenus ont été caractérisés par chromatographies GC ou GPC, par analyses RMN 1 H et 31 P. Les rendements obtenus varient entre 52 et 90%.

Résultats

Les résultats des tests réalisés sont présentés dans le tableau 1 ci-dessous. La dernière colonne correspond à un score de niveau de risque vis-à-vis de la sécurité de ces molécules utilisables dans des huiles telle que des huiles turbine et de leur prétendue toxicité en cabine. Un score de 5 correspond à un risque très élevé en termes de neurotoxicité et/ou reprotoxicité, tandis que des scores de 0 ou 1 correspondent à un niveau de risque très faible ou inexistant. Le niveau de risque est déterminé par la somme des facteurs correspondant à chacun des risques évalués indépendamment basés sur les résultats expérimentaux in vitro d’inhibition (IC 50 hAChE et IC 50 eqBuChE), de prédiction semi-empirique (modèles QSAR neurotoxicité et QSAR reprotoxicité), et de modélisation moléculaire via les harmoniques sphériques (classement en clusters) et il peut aller de 0 à 5. Une valeur de 0 indique une absence de risque, et une valeur de 5 indique un risque multiple très important. Pour chaque risque, un facteur 0 ou 1 est attribué selon si la valeur est au-dessus ou au-dessous d’un seuil. Les seuils suivants sont appliqués : 15 mg/L pour l’ICso pour hAChE, 15 mg/L pour l’ICso pour eqBuChE, 0,2% pour la neurotoxicité, 3% pour la reprotoxicité.

Tableau 1]

ND signifie non déterminé.

NA signifie non application (cas de mélanges de composés) *PBT : (persistant, Bioaccumulatif et toxique) Les composés sont numérotés comme suit :

Exemples comparatifs :

Composé A : 2-éthylhexyldiphénylphosphate (CAS 1241-94-7)

(https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substa nceinfo/100.013.625)

Composé B : Tri(o/f/70-crésyl)phosphate ToCP Composé C : Tri(mé/a-crésyl)phosphate Composé D : Tri(para-crésyl)phosphate

Composé P : Tricrésylphosphate (CAS 1330-78-5) correspond au produit commercial Durad 125 (https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substance info/100.239.100)

Composé E : Trixylylphosphate (CAS 25155-23-1) (https://echa.europa.eu/fr/registration- dossier/-/registered-dossier/2204/7/11/1)

Composé F : Tri(2,6-difluorophényl)phosphate Composé G : Tri(4-isopropylbenzoate)phosphate Composé H: di (p-tertbutylphényl)phénylphosphate Composé 11 : tri phényl phosphate (CAS 204-112-2) (https://echa.europa.eu/fr/substance- information/-/substanceinfo/100.003.739)

Composé I2: Tri(p-tert-butylphényl)phosphate

Composé I3 : Tert-butylphényl diphényle phosphate (CAS 700-990-0) correspond au produit commercial Durad 150B, (https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-

/substanceinfo/100.235.046

Composé J: Crésylphosphate de saligénine

Composé K: Diphénylphosphoroamidate

Composé Q: isononyldiphénylphosphate

Composé L : Tri(isobutyl)phosphate (CAS 126-71-6) (https://echa.europa.eu/fr/substance- information/-/substanceinfo/100.004.363)

Composé M : Tris(2-éthylhexyl)phosphate (CAS 78-42-2)

(https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substa nceinfo/100.001.015)

Composé N : Dibutyl [[bis[(2-ethylhexyl)oxy]phosphinothioyl]thio]succinate (CAS 68413-48- 9) (https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substance info/100.063.817)

Exemples selon l’invention (composés de formules (I))

Composé 1 : isodécyldiphénylphosphate (CAS 29761-21-5) correspond au produit commercial Santicizer 148 (https://echa.europa.eu/fr/substance-information/- /substanceinfo/100.045.283)

Composé 2: n-dodécyldiphénylphosphate (CAS 27460-02-2) (https://echa.europa.eu/fr/substance-information/-/substance info/100.103.005)

Composé 3: 2-octyl 1-dodécyldiphénylphosphate Composé 4 : iso-dodécyldiphénylphosphate Composé 5 : iso- hexadécyldiphénylphosphate (C16),

Composé 6 : mélange de n-hexadécyl et n-octadécyl diphénylphosphate (nC16/C18) Composé 7 : iso-C32 diphényl phosphate.

Alors que le composé A (2-éthylhexyldiphénylphosphate) appartient au cluster 1 des molécules organophosphorées neurotoxiques et reprotoxiques, le composé 1 , qui répond à la formule (I) selon l’invention, présente en revanche des valeurs d’inhibition IC50 élevées au regard des cholinestérases hAChE et eqBuChE. De façon surprenante, la modélisation via les harmoniques sphériques montre que cette molécule appartient à un cluster de molécules différent des clusters 1 et 2 neurotoxiques. Les modèles semi-empiriques QSAR indiquent également une différence de réactivité. Le composé 1 présente un niveau de risque égal à 0, alors que les composés du cluster 1 présentent un niveau de risque au moins égal à 2.

La modélisation QSAR indique également que le composé 3, qui répond à la formule (I) selon l’invention, appartiennent à un cluster différent des clusters 1 et 2 de composés neurotoxiques, les composés 2 et 4 appartenant au même cluster que le composé 1 (à savoir le cluster 4), alors que le composé 3 appartient à un autre cluster (à savoir le cluster 3). Ces trois composés (composés 2 à 4) présentent également une neurotoxicité nulle et une reprotoxicité très faible. Le cluster ainsi que la modélisation QSAR n’ont pas été déterminés pour les composés 5 à 7 selon l’invention. Cependant, ces derniers composés 5 à 7 présentent d’excellent résultat in vitro en terme d’ICso de cholinestérases (la concentration inhibitrice à 50% est élevée, supérieure à 18 mg/L pour IC 50 hAChE et supérieure à 25mg/L et pouvant même atteindre 127 mg/L pour IC 50 eqBuCh). Ces composés 5 à 7 laissent ainsi supposer qu’ils sont non neurotoxiques puisqu’ils ont une action faible sur les cholinestérases testées et doivent certainement présenter de bons résultats aux essais de QSAR, tout en se classant probablement parmi les clusters 3 et 4 selon la modélisation 3D des harmoniques sphériques. On observe que l’allongement de la chaîne alkyle tend vers un cluster de type 3.

Les composés de formule (I) selon l’invention semblent par conséquent présenter une conformation différente de celle des composés appartenant aux clusters 1 et 2 neurotoxiques, et que leur réactivité diffère également au regard de l’activité biologique des enzymes étudiées.

Les composés du cluster 1 se présentent, selon l’approche de modélisation 3D des harmoniques sphériques, sous la forme d’une « hélice tripale » sur la base de deux plans perpendiculaires au niveau du centre ou du cœur de la molécule alors que les composés selon l’invention présentent une forme plutôt déployée et aplanie s’approchant d’une forme papillon. Les molécules issues du travail de modélisation par les harmoniques sphériques sont représentées sur la figure 1. Ces composés sont donc des alternatives non neurotoxiques et non reprotoxiques au tricrésylphosphate et ses analogues tri-arylphosphates ou aux autres composés testés (généralement utilisés également en tant qu’agent anti-usure dans une huile pour turbine) à base de phosphore.

Les composés 1 à 7, dont le groupement A est un groupe alkyle comprenant 10 à 20 atomes de carbone, sont non neurotoxiques et présentent une très faible reprotoxicité. Comparativement, le composé A et le composé Q, dont le groupement A est un groupe alkyle comprenant respectivement 8 et 9 atomes de carbone, présentent des valeurs de neurotoxicité et de reprotoxicité selon les modèles QSAR nettement plus élevées, et appartiennent au cluster 1 de composés neurotoxiques.

Ainsi, ces essais intro et de modélisation (3D des harmoniques sphériques ou QSAR) montrent que la Demanderesse a sélectionné, de façon non-arbitraire, parmi tous les composés existants à base de phosphore et présentant généralement une action anti-usure dans une huile, un sous-ensemble restreint de composés de formule générale (I). Ce sous- ensemble présente en outre un effet technique différent des autres composés à base de phosphore. En effet, ce sous-ensemble de composé de formule (I) est au moins non neurotoxique et est apte à et/ou configurer pour réduire et/ou prévenir de la neurotoxicité d’une huile en particulier d’une huile de turbine destinée à l’aviation. De plus, ce sous-ensemble est apte à/ configurer pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique en particulier en cas d’évènement de fumée. Ce sous-ensemble, de par ses caractéristiques, permet de former une huile pour turbine, par exemple pour l’aviation qui est apte à et/ou configurée pour permettre d’augmenter le niveau de sécurité dans l’aviation et dans d’autres applications aérodérivées.

En outre, aucun indice dans l’état de la technique pouvait permettre un homme du métier à choisir spécifique ce sous-ensemble de composés de formule générale (I) afin de réduire/prévenir la neurotoxicité d’une huile de turbine ou pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique.

En effet, d’une part, les autres composés phosphorés et notamment les autres composés phosphorés utilisés en tant qu’agent anti-usure dans une huile et connus de l’art antérieur ne présentent cet effet technique nouveau (i.e. : réduire et/ou prévenir la neurotoxicité d’une huile ou pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique). Au contraire, les autres composés anti-usures connus (composés comparatifs E, 11-3, M, N et P) et notamment utilisés en tant qu’agent anti-usure dans une huile, sont neurotoxiques.

D’autre part, avant les essais réalisés par la Demanderesse, la plupart des autres composés phosphorés commerciaux et enregistrés, notamment connus en tant qu’agent antiusure, comme par exemple les composés A, 11-13, L, M et N sont reconnus notamment par le site officiel de l’ECHA (Agence Européenne des produits chimiques, de l’anglais « European Chemical Agency ») comme ne présentant pas de danger grave de toxicité aiguë ou grave (caractère CMR). L’agence ECHA est une autorité compétente pour statuer sur la toxicité des produits chimiques enregistrés pour le marché européen. Elle publie des données scientifiques publiques et reconnues. Le composé 13 est notamment utilisé dans le domaine des lubrifiants en remplacement du TCP ou de ses analogues. Or, les essais de la Demanderesse via les essais in vitro IC50 ou les essais de modélisation 3D ou QSAR montre, au contraire, que ces composés sont fortement neurotoxiques. Par exemple, d’après le site de l’ECHA, ce composé ne présenterait pas de signes de toxicité vis-à-vis de la santé humaine. Or le tableau 1 ci-dessus montre que ce composé I3 est un mélange de composés neurotoxiques incluant le triphénylphosphate et le tri(p-tertbutylphényle)phosphate. Un homme du métier n’aurait donc pas été incité ou encouragé à sélectionner le sous-ensemble formé par les composés de formule générale (I) afin de réduire et/ou prévenir la neurotoxicité d’une huile ou pour la prophylaxie du syndrome aérotoxique. Exemple 2 : Performances anti-usure des composés selon l’invention La performance anti-usure des huiles selon l’invention a été mesurée en utilisant le test d’usure à 4 billes selon la norme ASTM D4172. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 2 ci-dessous. [Tableau 2]

Les résultats confirment que les composés de formule (I) utilisés selon l’invention possèdent des propriétés anti-usure intéressantes et potentiellement analogues à celles du TCP, donc qu’ils sont compatibles avec une utilisation efficace en tant qu’agent anti-usure, notamment dans des huiles pour turbines d’avions ou aérodérivées. Bien entendu, diverses autres modifications peuvent être apportées à l’invention dans le cadre des revendications annexées.